nce. Et comme le regret finit par allumer en eux
l'envie, ils ne rougissent pas de se faire les detracteurs de ceux
qu'ils voient s'elever a l'habilete dans cet art. Seul, cet art dans
son excellence possede ce privilege que ce n'est pas l'exercice mais le
genie qui le donne. Quelque temps que vous ayez peniblement use dans
cette etude, vous consumez vainement votre peine, si le don de la grace
celeste n'a pas fait naitre dans votre esprit l'aptitude a ce grand
mystere du savoir. Le travail prolonge peut livrer les autres sciences a
toutes sortes d'esprits; mais celle-la, on ne la tient que de la grace
divine; si la grace n'y a pas interieurement predispose votre esprit, en
vain celui qui l'enseigne battra l'air qui vous entoure. Mais plus celui
qui vous administre cet art est illustre, plus l'art qu'il administre a
de prix.
Il suffit de cette reponse aux attaques de mes rivaux: maintenant venons
a notre dessein[451].
[Note 451: _Dialect._, pars IV, p. 431-437.]
La foi du philosophe et l'orgueil de l'homme respirent dans ce morceau.
C'est un des passages ou l'on voit Abelard, deposant l'humilite timide
et forcee du moine et du theologien, secouer le joug de son temps et de
son habit, pour parler au nom de son genie et prendre en lui-meme son
autorite.
La Dialectique est un ouvrage tres-considerable. Les diverses parties
n'en paraissent pas ecrites a la meme date. A mesure qu'elles furent
connues, elles donnerent naissance a diverses attaques contre lesquelles
l'auteur se defendit en avancant; ou, composees a differentes epoques de
sa vie, elles contiennent incidemment des allusions et des reponses aux
accusations dont souffraient sa gloire et son repos. Le preambule qu'on
vient de lire se trouve au commencement de la quatrieme partie, et
temoigne des circonstances qui preoccupaient Abelard au moment ou elle
a ete ecrite ou publiee. Deja, au debut de la seconde partie[452], il
avait retrace les succes de ses ennemis, la persecution qui l'opprimait,
les esperances qui le soutenaient:
"Et les detractions de nos rivaux, les attaques detournees des jaloux ne
nous ont pas determine a nous ecarter de notre plan[453], non plus qu'a
renoncer a l'etude accoutumee de la science. Car bien que l'envie ferme
a nos ecrits la voie de l'enseignement pour le temps de notre vie et
ne permette pas chez nous les studieux exercices, je n'en perds pas
l'esperance, les renes seront un jour rendues a la science, alors que le
moment s
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