de son createur.
Avant la decouverte de l'ideologie, le langage etait toujours
ontologique, meme lorsqu'il s'appliquait a la seule logique. De la une
ambiguite continuelle qui permet de se servir des memes mots a ceux qui
parlent des choses, et a ceux qui ne traitent que des idees, a ceux qui
decrivent les conditions de l'etre, et a ceux qui n'exposent que les
lois de l'esprit. La question de la realite des universaux, ou du moins
une question analogue, celle de la realite des objets de nos idees,
aurait donc pu s'elever en quelque sorte sur tous les points que
traitait la philosophie du moyen age. La question a principalement porte
sur les genres et les especes; mais elle aurait pu s'appliquer a tout le
reste, et ainsi devenir facilement la controverse generale, soit entre
la doctrine du subjectif et celle de l'objectif, soit entre l'empirisme
et l'idealisme, soit entre le scepticisme et le dogmatisme. Elle n'a
jamais atteint alors ce degre d'etendue et de profondeur, ne l'oublions
point, sous peine de la denaturer, et d'attribuer aux temps passes ce
qui appartient a l'esprit moderne, la clairvoyance et la hardiesse dans
les consequences; mais comme ces grandes questions etaient la, toujours
voisines de celle des universaux qui les cotoyait pour ainsi dire, on
s'est plus tard laisse quelquefois aller en exposant celle-ci, a la
confondre avec celles-la; et l'on a metamorphose les dialecticiens du
moyen age en contemporains de Hume, de Kant, ou d'Hegel. S'ils y ont
gagne en etendue d'intelligence, ils y ont perdu en originalite.
Nous nous attacherons scrupuleusement a conserver a ces esprits
singuliers leurs vrais caracteres, comme aux questions qui les ont
occupes leurs veritables limites.
Nous avons essaye de montrer comment l'aristotelisme devait
naturellement donner naissance, par la confusion apparente des principes
ontologiques et des principes logiques, a la question des universaux. En
fait, il est bon de rappeler de quelle maniere elle s'est elevee; de le
rappeler seulement, car cette histoire a deja ete superieurement ecrite,
et ici nous ne pourrions que repeter M. Cousin.
Nous croyons avec lui que cette question, les scolastiques auraient bien
pu ne pas l'apercevoir, si Porphyre, au debut de son Introduction aux
categories, ne les eut avertis qu'elle existait.
On ne peut, en effet, trop le redire: Aristote a conquis le monde savant
par ses lieutenants, plus encore que par lui-meme. Ses categories
etai
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