l'universel, entre le passager et l'eternel.
Allons plus loin, la grande difficulte de la doctrine des idees de
Platon, c'est le mode d'existence de ces idees, essences eternelles.
Lorsqu'on presse un platonicien sur cet article, il ne dit rien de
plausible, si ce n'est parfois que les idees sont les pensees de Dieu;
et alors leur realite n'est plus que celle meme de l'Etre des etres. En
ce sens, on pourrait dire que l'idealisme de Platon est une psychologie
dont le sujet est Dieu. Telle est la nature et la puissance de Dieu que
son ideologie est par le fait une ontologie: le platonisme serait alors
un conceptualisme divin.
Cette double observation explique par avance comment la scolastique a
du souvent reduire les genres et les especes a de simples pensees; et
comment toutefois elle a pu aussi, par quelques-uns de ses organes,
revenir aux idees de Platon, sans abandonner la dialectique de Porphyre
et de Boece.
Mais la controverse de la scolastique sur les genres et les especes
n'a jamais ete explicitement la controverse d'Aristote et de Platon,
quoiqu'elle en fut une sorte de ressouvenir a travers les siecles. Il
ne serait pas plus juste d'y voir precisement la discussion si celebre
parmi les modernes de la realite de nos connaissances.
Il y a deux idealismes; l'idealisme de Platon, sorte d'ontologie
spirituelle, qui refuse, ou peu s'en faut, la realite aux objets des
sens, pour la reserver tout entiere aux essences intelligibles; l'autre
idealisme est l'idealisme sceptique, ou la doctrine qui ne croit a rien
de reel que le fait de la presence en nous de certaines idees, purs
phenomenes qui manifestent a un sujet problematique de problematiques
objets[436].
[Note 436: L'idealisme qu'on pourrait appeler absolu, celui de
Schelling et d'Hegel, en formerait un troisieme. Mais il n'est pas
necessaire d'en tenir compte en ce moment.]
Ce n'est pas la controverse sur l'un ou l'autre idealisme que la
scolastique a elevee, lorsqu'elle a ouvert le debat entre les realistes
et les nominaux. Les uns disaient: les genres et les especes sont des
realites; les autres: les genres et les especes sont des mots; d'autres
enfin disaient: ce sont des pensees. Or, si c'etait la un probleme
ontologique, ce n'etait pas le probleme permanent, eternel, fondamental
de l'ontologie, celui de la realite des choses. Ce dernier probleme ne
s'eleve pas entre le realisme et le nominalisme proprement dits, mais
entre l'idealisme et la doctrine
|