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naturellement a l'ontologie, au moyen age il la reunissait sans hesiter
a la logique, qui en devenait pour lui la forme necessaire et la base
scientifique. C'est ce melange qu'embrassait en fait l'etude de ce qu'on
appelait alors la dialectique.
La psychologie et la logique conduisent par la metaphysique a la
theodicee et a la morale; mais comme la theodicee et la morale ne sont
pas seulement des sciences, et peuvent se confondre avec la religion, la
scolastique ne les secularisait pas, et les renvoyait a la theologie;
seulement elle penetrait avec elles dans la theologie, a laquelle elle
pretait ou imposait ses principes, ses formes, son langage, en recevant
d'elle des dogmes et des commandements.
Tout ce que nous venons de dire de la doctrine scolastique, nous le
disons du scolastique Abelard. Distinguons eu lui le philosophe et le
theologien. Au premier appartiendront les ouvrages de dialectique,
comprenant tout ce qu'il a su ou pense en psychologie, en logique,
en metaphysique; au second se rapporteront tous les ouvrages sur la
theodicee et la morale: dans ceux-ci, nous le trouverons philosophe
encore, mais s'etudiant a concilier rationnellement la science et la
foi.
La theologie d'Abelard sera l'objet du dernier livre de cet ouvrage;
nous ne nous occupons ici que de sa philosophie. Il y aurait plusieurs
manieres de la faire connaitre. La plus agreable serait de l'exposer
dans ses principes et sous une forme systematique. On en disposerait
methodiquement les principales idees; on les degagerait des details
oiseux, des expressions techniques qui les obscurcissent; on les
traduirait dans le langage de l'abstraction moderne, et l'on rendrait
ainsi clair et saisissable l'esprit de cette philosophie. Elle irait
alors se placer comme d'elle-meme a son rang dans l'histoire de la
pensee humaine. C'est le procede qu'il faudrait suivre si nous ecrivions
cette histoire, ou s'il ne s'agissait que de donner une vue generale du
systeme et de l'epoque. Mais notre intention est d'offrir davantage,
ou du moins autre chose. Nous voudrions faire un moment renaitre une
philosophie qui n'est plus, la ranimer pour ainsi dire en chair et en
ame, et montrer exactement quelle etait alors l'allure de l'esprit
humain, comment il parlait, comment il pensait. Nous voudrions enfin
tracer le portrait individuel de notre philosophe avec sa physionomie et
son costume. Cet essai de reproduction, plus encore que d'analyse, nous
semble une oe
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