uvre plus instructive et plus neuve, quoique assurement
moins attrayante. Nous ne changerons donc ni l'ordre ni l'expression des
idees d'Abelard. Ce serait le defigurer que de lui preter les methodes
modernes et la moderne diction. Prenant ses plus importants ouvrages
l'un apres l'autre, nous les ferons connaitre tantot par des extraits,
tantot par des resumes; ici par des traductions litterales, plus loin
par une deduction critique; enfin, par tous les moyens propres a
remettre en lumiere tout ce qui dans ses ecrits nous parait essentiel,
original ou caracteristique; en telle sorte que l'on puisse bien juger,
apres avoir lu cet ouvrage, le penseur, le professeur et l'ecrivain.
Nous ne prenons personne en traitre; ceci est de la scolastique. Nous
esperons l'avoir rendue intelligible; on pourra la trouver curieuse; on
ne la trouvera ni d'une etude facile, ni d'une lecture agreable.
Que notre siecle ait de l'indulgence pour ce que le XIIe admirait.
Sommes-nous surs que nos admirations nous seront un jour toutes
pardonnees?
Quoique Abelard ait surtout domine les esprits par l'enseignement, il
n'avait pas une mediocre idee de ses ouvrages. "Je me souviens," ecrit
un de ses disciples[444], "de lui avoir entendu dire, ce que je crois
vrai, qu'il serait facile a quelqu'un de notre temps de composer sur
l'art philosophique un livre qui ne serait inferieur a aucun ecrit des
anciens, soit pour l'intelligence de la verite, soit pour l'elegance
de la diction; mais qu'il serait impossible, ou bien difficile, qu'il
obtint le rang et le credit d'une autorite. Cela n'est," ajoutait-il,
"reserve qu'aux anciens." Ainsi, il connaissait tout le poids de
l'autorite, et il sentait le joug en s'y soumettant. En effet, une
deference sincere ou apparente, mais presque toujours absolue dans
les termes, pour les maitres du passe, intimide et obscurcit toute
la philosophie de l'epoque, embarrasse et subtilise le raisonnement,
encombre le style, diminue la chaleur et la spontaneite de la
conviction. La verite de la chose ou la sincerite de la pensee
personnelle ne viennent jamais qu'apres la citation des textes. Cet
Abelard si fameux pour son independance, n'ose etre lui-meme qu'en de
rares instants, et ne se permet de penser qu'avec autorisation. Son
esprit est plus independant que ses ecrits.
[Note 444: Johan. Saresb., _Metalog._, l. III, c. IV.]
De ses ouvrages philosophiques les seuls publies sont:
_Dialectica_;
_De Generibus et Spec
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