sonnes. Il soutint que celui qui prend les
universaux pour des mots, ne peut distinguer la sagesse et l'homme sage,
la couleur du cheval et le cheval, et devient ainsi incapable d'etablir
une difference entre un Dieu unique et ses proprietes diverses. Enfin,
il poussa son principe jusqu'a pretendre que plusieurs hommes ne sont
qu'un homme, et parvenu ainsi au dogme de l'unite d'essence, il n'evita
pas plus que Scot Erigene le danger de tout confondre et de tout perdre
dans une essence universelle et supreme[442].
[Note 442: S. Ans. _Op., De fid. Trinit._, c. ii et iii, p. 42 et
43.]
Cependant il resulta de cette lutte que le realisme, admis
principalement en theologie, obtint encore meilleure reputation
d'orthodoxie, et que le nominalisme, deja suspect d'incompatibilite avec
l'eucharistie, fut encore accuse d'etre inconciliable avec la Trinite.
Les choses en etaient la; Roscelin condamne, proscrit, terrasse; et le
realisme, favorise par l'Eglise et vainqueur, dominait du haut de la
chaire de Guillaume de Champeaux l'ecole de Paris, c'est-a-dire la
premiere ecole du monde, lorsqu'Abelard parut.
Il nous reste maintenant a le laisser parler lui-meme. Il nous parlera
par ses ouvrages.
CHAPITRE III.
DE LA LOGIQUE D'ABELARD[443].--_Dialectica_, PREMIERE PARTIE, OU DES
CATEGORIES ET DE L'INTERPRETATION.
La philosophie peut, en general, etre ramenee a cinq sciences unies
par des liens etroits, la psychologie, la logique, la metaphysique,
la theodicee et la morale. Les deux premieres font connaitre l'esprit
humain. La troisieme est la science des etres; elle se rattache
immediatement a la theodicee, et celle-ci, ou la philosophie de la
religion, est difficilement separable de la morale, qu'elle n'enseigne
pas, mais qu'elle motive et qu'elle consacre. Suivant l'esprit des
temps, suivant les progres des connaissances humaines, l'etude d'une ou
plusieurs de ces parties de la science prevaut sur les autres dans la
philosophie, et il est rare qu'elles soient toutes ensemble egalement
cultivees. Cependant il n'est guere de doctrine ou l'on ne retrouve,
meles en proportions differentes, ces elements constituants de la
philosophie. La scolastique elle-meme les offre tous a notre curiosite.
[Note 443: La doctrine philosophique d'Abelard n'ayant ete connue,
jusqu'en 1836, que par de courtes phrases eparses dans quelques auteurs,
il n'en faut point chercher une exposition satisfaisante dans les
historiens de la philosop
|