ique a une sorte d'alchimie
qui emploie les universaux comme substance et la dialectique comme
appareil[438]."
[Note 438: Degerando, _Hist. comp. des syst. de phil._, t. IV, c.
XXVI, p. 386.]
On ouvre ordinairement la philosophie du moyen age par Jean Scot
Erigene. Il ne traita point expressement la question; mais il avait foi
dans l'existence de ce qui echappe aux sens. Au-dessous de la nature
increee, il admet des causes primordiales creees et creatrices qui
donnent aux choses contingentes leur individualite. Une de ces causes
primordiales, l'essence, donne l'etre par participation: "C'est par
participation qu'existe tout ce qui est apres l'essence."
Et ailleurs: "L'essence du corps n'est point corporelle comme lui
[439]." Ces pensees, empreintes de platonisme, auraient, un peu plus
tard, mene probablement au realisme. Raban Maur, qui avait ecrit avant
qu'Erigene vint sur le continent, est plus explicite; il annonce deja
que de son temps les uns pensaient que les cinq objets du livre de
Porphyre etaient des choses, et les autres des mots[440]. Raban parait
se prononcer pour la derniere opinion qui, chez lui, semble, il est
vrai, se reduire a l'interpretation de la pensee de Porphyre. Or,
on pouvait a la rigueur soutenir que Porphyre, qui ecrivait une
introduction a la logique, n'avait entendu traiter des _cinq voix_ que
comme voix, sans pretendre pour cela que ces cinq voix ou, parmi elles,
les mots de genre et d'espece ne designassent point des realites.
L'opinion de Raban pouvait etre historique et critique, mais non
philosophique. Toutefois, et pour son compte, il incline a regarder les
universaux comme des abstractions.
[Note 439: Scot Erigene, par M. Saint-Rene Taillandier; IIIe part.,
c. ii, p. 211 et _passim_.]
[Note 440: Ouvr. ined. d'Ab., _Introd._, p. lxxviii.]
La question etait donc alors connue; mais on la laissait dans l'ombre;
on etait loin d'en faire, comme plus tard, le probleme fondamental de
la philosophie. Les qualifications de realistes et de nominaux etaient
inconnues. On lit dans un lettre du Xe siecle, Gunzon de Novare:
"Aristote dit que le genre, l'espece, la definition, le propre,
l'accident ne subsistent pas; Platon est persuade du contraire. Qui,
d'Aristote ou de Platon, pensez-vous qu'il vaut mieux en croire?
L'autorite de tous deux est grande, et l'on aurait peine a mettre pour
le rang l'un au-dessus de l'autre[441]."
[Note 441: Gunzon etait un pur philologue. Cette citatio
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