opposee. Sans doute, le nominalisme
fait grand usage de la consideration du subjectif, et l'abus de cette
consideration est la source de l'idealisme; l'idealisme est donc, a
certains egards, une extension excessive du nominalisme, un nominalisme
universel. Par analogie, le nominalisme peut etre appele un idealisme
special ou borne aux universaux. Mais, enfin, l'un n'est pas l'autre,
car tout le monde sait que le nominaliste qui nie la realite des
universaux, croit a la realite des individus, et meme ne croit qu'a
celle-la. "Ce sont les substances universellement admises," dit
Aristote[437]. Or, l'idealisme nie tout. De meme, le realisme, qui
accorde aux universaux quelque existence, incorporelle ou autre, peut,
dans certains cas, s'allier a la negation de la substance corporelle, a
la foi exclusive dans l'intelligible au prejudice du sensible; et, sur
cette pente, le platonisme seul echappe a l'idealisme sceptique.
[Note 437: _Metaph._, VIII, 13. t. II, p. 65 de la traduction.]
Ce qui est vrai, c'est que l'esprit qui conduit au nominalisme peut
mener, mais ne mene pas necessairement au scepticisme sur l'existence du
monde exterieur, et que l'esprit qui prefere un certain realisme, peut
tres-bien s'allier avec une forte disposition a l'etendre hors des
universaux, et a prodiguer assez facilement aux insensibles l'existence
substantielle.
Mais les consequences d'une doctrine ne sont pas cette doctrine
meme, tant qu'elle les ignore. Les realistes ne se savaient point
platoniciens; les nominalistes ne se croyaient pas tous sceptiques; les
conceptualistes enfin n'entendaient nullement se confondre avec les
nominalistes. Les uns comme les autres n'aspiraient le plus souvent qu'a
resoudre la question logique de la nature des genres et des especes, ou
des universaux. L'analyse des ouvrages d'Abelard nous donnera plus d'une
occasion d'exposer sur ce point tous les systemes. C'est de son temps,
c'est au XIIe siecle, que la question fit, pour ainsi parler, sa
veritable explosion. Jusqu'alors, elle s'etait paisiblement etablie dans
la philosophie, sans la troubler, sans l'agrandir. La vie d'Abelard nous
a montre comment avec lui elle tendit a devenir presque une des affaires
du siecle. Quelques mots sur l'histoire de cette question, depuis
l'origine de la scolastique, nous apprendront dans quelle situation il
trouva sur ce point les idees et les ecoles. A dater d'Abelard, on a pu,
avec raison, "comparer la philosophie scolast
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