, et les
transporte a Reims, ou il ecrit sur le syllogisme, et meurt avec la
reputation d'un _abbe d'une haute philosophie_[392]. C'est Gerbert,
qui, avant d'etre pape, fait un traite sur le Rationnel et le
Raisonnable[393], et se pique de recueillir et de s'approprier les
pensees d'Aristote. Saint Maieul, abbe de Cluni, se plait dans la
lecture des philosophes paiens. Le grand eveque Hildebert recueille
dans leurs ouvrages les elements d'une morale philosophique[394]. Saint
Anselme, le seul metaphysicien de l'epoque, ne dedaigne pas de donner,
dans son Dialogue du grammairien, un ouvrage de pure dialectique[395].
Et cependant Jean le Sourd ou le Sophiste[396], qui devait etre le
maitre de Roscelin, a commence a former cette ecole subtile et peu
connue, destinee a contraindre la science logique a faire sur elle-meme
un de ces efforts feconds qui avancent d'un pas l'esprit humain.
[Note 392: "Summae philosophiae abbas." (_Hist. litt._, t. VII, p.
159 et suiv.--Cf. Launoy, p. 63.).]
[Note 393: C'est le sens de: _De rationali et ratione uti_, titre de
l'ouvrage de Gerbert. (B. Pes, _Thes. noviae. anecd._, t. I, pars II, p.
148 et seqq.)]
[Note 394: _Moralis philosophia de honesto et utili. (Ven. Hildeb.,
Op._, p. 959. 1 vol. in-fol., Paris, 1708.)]
[Note 395: _Dialogue de Grammatico_, (S. Ansel., _Op._, p. 143.)]
[Note 396: _Hist. litt._, t. VII, p. 132.]
On touchait a la fin du XIe siecle. Paris etait des longtemps la ville
de l'intelligence. On dit que le nombre des etudiants y depassait celui
de la population sedentaire[397]. Plus de cent ans avant Abelard, des
chaires de philosophie s'etaient elevees; le caractere de la philosophie
seculiere etait indique; la scolastique avait commence. On voit donc
qu'Abelard, sous ce rapport, ne crea pas; il recueillit seulement une
tradition[398]; mais il lui donna le mouvement et la vie, en lui pretant
sa puissance et sa renommee.
[Note 397: _Hist. litt_., t. IX, p. 61, 78, etc.]
[Note 398: Les recherches de M. Cousin ont deja fait connaitre des
manuscrits qui jettent du jour sur les ecoles de dialectique anterieures
au XIIe siecle (Append., p. 613-623). De nouvelles recherches dans le
meme sens conduiraient sans doute a renouer sans interruption le fil de
l'enseignement scolastique a Paris. Car on doit convenir qu'entre Remi
ou le commencement du Xe siecle, et Guillaume de Champeaux vers la fin
du XIe, il y a une lacune assez obscure; on voit seulement qu'Odon,
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