mer, en ecrivant _nature, substance, vie_,
toutes idees qui, lors meme qu'elles correspondraient, comme je le
crois, a quelque chose de reel, n'ont cependant d'immediatement sensible
que les mots qui les designent, et d'existence scientifique qu'a la
condition d'etre exprimees. Or, la philosophie pourrait etre appelee la
science de ces mots, sans qu'on lui manquat de respect; et ne fut-elle
bonne qu'a bien faire connaitre ce qu'ils designent, qu'a determiner les
idees qui leur repondent dans l'esprit humain, elle ne serait pas une
science vaine; elle aurait atteint, en partie du moins, son objet; car
elle serait en ce sens la science de l'esprit humain, et on l'a souvent
definie ainsi, sans la degrader. Determiner ce que les mots veulent
dire, c'est determiner ce que l'esprit humain veut dire par les mots.
Or, ce que l'esprit humain veut dire, c'est ce qu'il pense, et connaitre
ce que pense l'esprit humain, c'est deja, a beaucoup d'egards, le
connaitre lui-meme. La science des mots concue de la sorte est donc
deja une science, et une science tellement serieuse que des ecrivains
distingues ont estime que c'etait la premiere de toutes.
En effet, des philosophes fort celebres ont dit que les sciences
n'etaient que des langues, et que toute bonne philosophie se reduisait a
une langue bien faite. N'est-il pas etrange que ceux qui parlaient ainsi
aient souvent condamne _a priori_ ce qu'ils appelaient les questions de
mots, et cru decrier telle ou telle philosophie en la taxant de ne vivre
que sur ces questions-la? En verite la scolastique, aux yeux de la
philosophie du XVIIIe siecle, n'aurait du avoir aucun tort d'etre une
langue; son seul tort possible, c'etait d'etre une langue mal faite.
Prenons donc garde que l'accusation elevee contre la scolastique ne
remonte jusqu'a la philosophie. Car elle pourrait a la rigueur etre
articulee contre la science metaphysique, de quelque methode que
celle-ci se servit et quelque forme qu'elle essayat de revetir.
On peut distinguer en general trois manieres de philosopher.
Si, au lieu d'analyser peniblement, soit le sens des mots compares
entre eux, soit les operations delicates de la pensee, on emploie
implicitement les mots et la pensee, et qu'on cherche a decrire
directement la nature des choses, a la representer dans les etres qui la
composent et les rapports qui les unissent; quoique ce travail ne puisse
s'operer que suivant les lois de l'intelligence et a l'aide des noms
qu'e
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