"Et quant
a ce qu'ajoute _notre ami_," dit-il (et c'est ce mot qui semble indiquer
qu'il ecrivit sa declaration au moment de sa reconciliation), "que ces
articles ont ete trouves, partie dans la _Theologie_ du maitre Pierre,
partie dans le _Livre des Sentences_ du meme, partie dans celui qui
est intitule: _Connais-toi toi-meme_, je n'ai pas lu cela sans grand
etonnement, aucun ouvrage de moine se pouvant trouver qui eut pour
titre: _Livre des Sentences_; et cela aussi a ete avance par ignorance
ou par malice[335]."
[Note 335: Apol., p. 333.]
Abelard, reconcilie, n'aspirait plus qu'a la retraite. Abandonnant le
monde et la vie des ecoles, il consentit a rester pour toujours a
Cluni, a la grande joie de l'abbe et de toute la communaute. Pierre le
Venerable se hata d'ecrire au pape pour lui demander de permettre a son
hote de ne plus quitter l'asile ou il avait ete recu, et d'y passer,
dans le repos, l'etude et la piete, les restes d'une vie dont le terme
paraissait approcher[336].
[Note 336: _Ab. Op._, pars II, ep. xxii, _Petr. Vener. ad Dom.
Innocent. II_, p. 335.]
Cet arrangement, comme on le pense bien, fut approuve a Rome; Abelard
devint moine a Cluni, du moins se soumit-il a la regle de la communaute,
et bien que son rang dans l'Eglise, egal a celui de l'abbe de Cluni,
l'eut fait, non moins que sa renommee, placer en tete de toute la
congregation et marcher le premier apres son chef, il accepta avec la
derniere rigueur l'humilite et l'austerite de sa nouvelle vie. Il se
revetit des habits les plus grossiers; et cessant de prendre aucun soin
de sa personne, il traita son corps avec le mepris des solitaires.
"Saint Germain, dit l'abbe de Cluni[337], ne montrait pas plus
d'abjection, ni saint Martin plus de pauvrete." Silencieux, le front
baisse, il fuyait les regards, il se cachait dans les rangs obscurs de
ses freres, et par son maintien il semblait vouloir s'effacer encore
parmi les plus inconnus. Souvent dans les processions, l'oeil cherchait
avec hesitation ou contemplait avec etonnement cet homme d'un si
grand nom, qui semblait se dedaigner lui-meme et se complaire dans
l'abaissement. Rendu par le saint siege a tous les devoirs du ministere,
il frequentait les sacrements, il celebrait souvent le divin sacrifice,
ou prechait la parole sainte aux religieux; encore fallait-il qu'il y
fut contraint par leurs instances. Le reste du temps il lisait, priait
et se taisait toujours. Ses etudes, comme celles de to
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