sait rien d'elle.
Pierre le Venerable avait fait de tout temps profession de lui porter
autant d'admiration que de respect. Une correspondance liait le Paraclet
et Cluni; l'abbe avait recu d'elle, par un moine nomme Theobald, une
lettre et quelques petits presents, lorsqu'il lui ecrivit, pour lui
raconter les derniers jours de son epoux, une epitre pleine de louange
ou il l'appelle femme vraiment philosophique, ou il la compare a Deborah
la prophetesse, et a Penthesilee, reine des Amazones, et lui exprime de
vifs regrets de ce qu'elle n'habite pas avec les servantes du Christ, la
douce prison de Marcigny, couvent de femmes benedictines place dans le
voisinage, pres de Semur et sous la direction de l'abbe de Cluni. Il
joignit meme a sa lettre une epitaphe en onze vers latins qu'il avait
composee en l'honneur d'Abelard et qu'on lisait plus tard gravee sur
la muraille de l'aile droite de l'eglise de Saint-Marcel, pres de la
sacristie[343]. C'etait, y disait-il, "le Socrate, l'Aristote, le Platon
de la Gaule et de l'Occident; parmi les logiciens, s'il eut des rivaux,
il n'eut point de maitre. Savant, eloquent, subtil, penetrant, c'etait
le prince des etudes; il surmontait tout par la force de la raison, et
ne fut jamais si grand que lorsqu'il passa a la philosophie veritable,
celle du Christ." On peut regarder ces mots comme l'expression du
jugement de tous les esprits eclaires du siecle d'Abelard.
[Note 343 :
Gallorum Socrates, Plato maximus Hesperiarum,
Noster Aristoteles, logicis quicumquo fuerunt
Aut par aut melior, studiorum cognitus orbi
Princeps....
Dans l'edition d'Amboise, cette epitaphe est jointe a la lettre ou
Pierre rend compte a Heloise de la mort d'Abelard. En 1703, on la lisait
encore dans l'eglise de Saint-Marcel, d'apres les auteurs de l'_Histoire
litteraire_. Une seconde epitaphe, rapporte egalement par d'Amboise, est
aussi attribuee a l'abbe de Cluni; la premiere seule l'est avec quelque
certitude; nous l'analysons dans le texte; les deux derniers vers de la
seconde en ont ete detaches et cites seuls comme etant l'inscription du
tombeau d'Abelard; les voici:
Est satis in tumulo: Petrus hic jacet Abaelardus
Cui soli patuit scibite quidquid erat.
ou, comme la donne le P. Dubois:
Est satis in titulo: Praesul hic jacet Abaelardus, etc.
P** en a donne une troisieme trouvee dans un manuscrit qu'il croit
presque contemporain d'Abelard; elle commence ainsi:
Petrus amor cleri
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