SCOLASTIQUE EN GENERAL.
La renommee philosophique d'Abelard etait deja ancienne, que ses
ouvrages philosophiques demeuraient encore inconnus. Il y a dix ans, a
peine savait-on s'ils existaient quelque part en manuscrit. Cependant
on citait ses doctrines, on parlait de son systeme, qui tient une place
dans l'histoire de la philosophie. Aucun de ceux qui ont ecrit cette
histoire n'a manque de nommer Abelard parmi les hommes qui ont illustre
et accredite la scolastique, et de lui assigner au XIIe siecle le rang
de fondateur d'une ecole.
L'existence historique de cette ecole est notoire. Sa naissance, son
eclat, son influence, du moins tant que son fondateur a vecu, sont des
faits constates et celebres. Son caractere scientifique, sa valeur
intellectuelle, nous paraissent des choses moins claires et moins
connues. On ne voit pas bien dans les ecrits des auteurs si Abelard fut
un createur ou seulement un continuateur, un propagateur de doctrine.
Celle qu'il enseigna et qui dans sa bouche fut si puissante etait-elle
une innovation, un progres, une reaction, une simple traduction de
theories anterieures, une revolution dans la science? On est tente de la
croire nouvelle et de lui attribuer une singuliere importance, quand on
considere l'ascendant et la renommee de celui qui la professe. Mais si
l'on neglige l'homme pour les choses, on est plus embarrasse de saisir
le sens et de mesurer la grandeur de son oeuvre, et sa gloire parait
superieure a ce qu'il a fait. On voit dans l'histoire qu'il fut l'eleve
de Roscelin, fameux comme fondateur ou restaurateur du nominalisme; on y
voit aussi qu'il se separa de Roscelin, et le combattit vivement[364].
Cependant il eut pour antagonistes les sectateurs du realisme ou
les adversaires de Roscelin, et il est compte dans les rangs des
nominalistes, quoiqu'il ait pretendu changer leur doctrine, et que celle
qu'il soutint ait quelquefois recu un nom particulier et nouveau. Telles
sont les notions un peu superficielles et vagues qui restent dans
l'esprit de tout homme instruit, apres la lecture des historiens de
la philosophie. Telle est la commune renommee d'Abelard, et si ses
aventures dignes du roman n'avaient jete sur lui l'interet et l'eclat,
on peut se demander si sa philosophie aurait suffi pour recommander sa
memoire.
[Note 364: Voy. ci-dessus, liv. I, p. 7 et 34, et ci-apres ch.
VIII.]
Avant la publication d'aucune partie importante de ses ecrits de
metaphysique, il fallait b
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