la conservation du premier
tombeau d'Abelard, dit dans une lettre adressee a M.A. Lenoir, que
l'abbe de Cluni se rendit a Saint-Marcel dans les premiers jours de
novembre, sous pretexte d'y faire la visite abbatiale; qu'une nuit,
pendant le sommeil des religieux, il fit enlever le corps d'Abelard, et
partit aussitot lui-meme avec ce depot pour aller au Paraclet, ou il
arriva le 10 novembre 1142. (_Mus. des mon. fr._, t. I, p. 231)]
Pendant son sejour au Paraclet, Pierre dit la messe dans la chapelle, le
16 novembre, precha dans la salle du chapitre, accorda au monastere
le benefice de Cluni, et a l'abbesse ce qu'on appelait le Tricenaire,
c'est-a-dire une concession de trente messes a dire par ses moines, ou
tout au moins des prieres pendant trente jours de suite apres la mort
d'Heloise, et pour le repos de son ame. De retour dans son abbaye, il
regularisa cette promesse en lui envoyant un engagement ecrit et scelle
de son sceau, ainsi que l'absolution d'Abelard qu'elle avait demandee,
pour la suspendre, suivant l'usage du temps, au tombeau qu'elle faisait
elever a son maitre et a son epoux.
Cette absolution est concue en ces termes: "Moi, Pierre, abbe de Cluni,
qui ai recu Pierre Abelard dans le monastere de Cluni, et cede son
corps, furtivement emporte, a l'abbesse Heloise et aux religieuses du
Paraclet; par l'autorite du Dieu tout-puissant et de tous les saints, je
l'absous d'office de tous ses peches[345]."
[Note 345: _Ab. Op._, pars. II, ep. XXV; Pet. clun. ad. Hel., p. 344
et 345.]
On a conserve un hymne funebre, ce que les anciens appelaient _noenia_,
chante peut-etre ou suppose chante pres du tombeau d'Abelard par
l'abbesse du Paraclet et ses religieuses[346]. On voudrait croire que
ce chant, qui ne manque pas, dans sa simplicite, d'une certaine grace
melancolique, est l'ouvrage d'Heloise. Pourquoi cette stance ne
serait-elle pas d'elle?
Tecum fata sum perpessa;
Tecum dormiam defessa,
Et in Sion veniam.
Solve crucem,
Due ad lucem
Degravatam animam.
Elle demande a reposer pres de lui; c'est a lui qu'elle demande de la
conduire au sejour d'eternelle lumiere, et aussitot elle entend le
choeur et la harpe des anges; et les religieuses s'ecrient: "Que tous
deux se reposent du travail et d'un douloureux amour.
Requiescant a labore,
Doloroso et amore.
"Ils demandaient l'union des habitants des cieux: deja ils sont entres
dans le sanctuaire du Sauveur."
[Note 346: Ce chant nous
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