temps, anime Citeaux contre Cluni.
Citeaux, chef d'ordre comme Cluni, et a sa suite Clairvaux, plus ardent,
plus rigoureux, plus pauvre, avait attaque tout a la fois la richesse,
l'influence, et l'esprit large et tolerant d'une abbaye ou le temps
avait amene quelques modifications a la regle primitive de Saint-Benoit.
Naturellement, Cluni repondait en accusant Citeaux de pharisaisme.
Bernard, avec sa ferveur inflexible, n'avait pas manque, pres de quinze
ans auparavant, de prendre parti pour Citeaux, d'ou il etait sorti, et
tout en lui reprochant les exagerations malveillantes d'un zele outre,
il avait censure les nouveautes et les concessions de Cluni, et denonce
la mollesse sous le nom de moderation, la complaisance sous celui de
charite[326].
[Note 326: Voyez l'ouvrage que saint Bernard, a la demande de
Guillaume de Saint-Thierry, composa sous le nom d'_Apologia_ et ou il
attaque encore plus Cluni qu'il ne le defend, tout en blamant Citeaux.
(S. Bern. _Op._, vol. 1, t. II, opusc. V.)]
Quoique ces accusations, motivees surtout par quelques habitudes de luxe
inseparables d'une grande opulence, et par les desordres ambitieux d'un
abbe, Pons de Melgueil, mort a Rome excommunie, n'eussent jamais atteint
son successeur, Pierre, fils de Maurice, de la grande famille des
seigneurs de Montboissier en Auvergne, celui a qui ses vertus et sa
longue vie ont attire le nom de Pierre le Venerable; il lui fallut
prendre la plume pour defendre son ordre et repondre, au moins
indirectement, a saint Bernard[327]. Il donna une refutation remarquable
de toutes les critiques des cisterciens, ce qui etait refuter celles que
s'appropriait saint Bernard, quoiqu'il ne le nommat pas[328]. Mais c'est
l'esprit meme de saint Bernard que semble combattre dans son style
calme, mesure, enjoue meme, l'esprit juste et serein de Pierre le
Venerable. En 1132, une exemption en matiere de dime accordee par le
pape aux moines de Citeaux, obligea l'abbe de Cluni a reclamer, et
suscita une controverse nouvelle entre l'abbe de Clairvaux et lui[329].
Enfin, six ans apres, l'election d'un cluniste a l'eveche de Langres,
faite contre le gre du premier, l'entraina a des plaintes ameres ou son
noble emule ne fut pas epargne aupres du roi ni du pape. Pierre lui
repondit avec une mesure et une superiorite reconnues des admirateurs
memes de saint Bernard; et quand enfin, resumant tous leurs differends
du ton de la moderation et de l'amitie, il voulut les mettre au
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