iment amer d'injustice et de malheur qui demandait a se repandre, et
qui s'epanchait toujours vers celle qui comprenait toute sa pensee et
sentait toute son ame. C'est pour elle qu'il ecrivit cette confession de
foi si noble et si touchante:
"Heloise, ma soeur, toi jadis si chere dans le siecle, aujourd'hui plus
chere encore en Jesus-Christ, la logique m'a rendu odieux au monde. Ils
disent en effet; ces pervers qui pervertissent tout et dont la sagesse
est perdition, que je suis eminent dans la logique, mais que j'ai failli
grandement dans la science de Paul. En louant en moi la trempe de
l'esprit, ils m'enlevent la purete de la foi. C'est, il me semble, la
prevention plutot que la sagesse qui me juge ainsi; je ne veux pas a ce
prix etre philosophe, s'il me faut revolter contre Paul; je ne veux pas
etre Aristote, si je suis separe du Christ; car il n'est pas sous le
ciel d'autre nom que le sien en qui je doive trouver mon salut. J'adore
le Christ qui regne a la droite du Pere; des bras de la foi, je
l'embrasse, agissant divinement pour sa gloire dans sa chair virginale,
prise du Paraclet[304]. Et pour que toute inquiete sollicitude, tout
ombrage soit banni du coeur qui bat dans votre sein, tenez de moi ceci.
J'ai fonde ma conscience sur la pierre ou le Christ a edifie son Eglise.
Ce qui est grave sur cette pierre, je vous le dirai en peu de mots: Je
crois dans le Pere et le Fils et le Saint-Esprit, Dieu un par nature
et vrai Dieu, qui contient la Trinite dans les personnes, de facon a
conserver toujours l'unite dans la substance. Je crois que le Fils est
en tout _coegal_ au Pere; savoir, en eternite, en puissance, en volonte,
en operation. Je n'ecoute point Arius qui, pousse par un genie pervers,
ou meme seduit par un esprit demoniaque, introduit des degres dans la
Trinite, enseignant que le Pere est plus grand, le Fils moins grand,
oubliant ainsi le precepte de la loi: _Tu ne monteras point par des
degres a mon autel_ (Exod. xx, 26); car il monte par des degres a
l'autel de Dieu, celui qui introduit dans la Trinite une priorite et
une posteriorite (une superiorite et une inferiorite). J'atteste que le
Saint-Esprit, est consubstantiel et coegal en tout au Pere et au Fils,
quand dans mes livres je le designe si souvent du nom de la Divine
bonte. Je condamne Sabellius qui, attribuant au Pere et au Fils la meme
personne, avanca que le Pere avait souffert la passion, d'ou est venu le
nom des patripassiens. Je crois que le F
|