es, dans la neige jusqu'aux genoux. Apres une demi-heure de
marche, nous nous trouvames au milieu des Russes, dont une partie
avait pris les armes, car une grande ligne d'infanterie etait sur
notre droite, et a moins de quatre-vingts pas, faisant sur nous un feu
meurtrier; leur grosse cavalerie, composee de cuirassiers habilles de
blanc, portant cuirasse noire, etait sur notre gauche, a une pareille
distance, hurlant comme des loups pour s'exciter les uns les autres,
mais n'osant nous aborder, et leur artillerie, au centre, tirant a
mitraille. Cela n'arreta pas notre marche, car, malgre leurs feux et
le nombre d'hommes qui tombaient chez nous, nous les abordames au pas
de charge et nous entrames dans leur camp, ou nous fimes un carnage
affreux a coups de baionnettes.
Ceux qui etaient plus eloignes avaient eu le temps de prendre les
armes et de venir au secours des premiers. Alors, un autre genre de
combat commenca, car ils mirent le feu a leur camp et aux deux
villages. Nous pumes nous battre a la lueur de l'incendie. Les
colonnes de droite et de gauche nous avaient depasses et etaient
entrees dans le camp ennemi par les extremites, tandis que notre
colonne entrait par le centre.
J'oubliais de dire qu'au moment ou nous battions la charge, et que la
tete de notre colonne enfoncait les Russes, en mettant leur camp en
deroute, nous rencontrames, etendus sur la neige, plusieurs centaines
de Russes que l'on crut morts ou dangereusement blesses. Nous les
depassames, mais, a peine fumes-nous au-dessus, qu'ils se releverent
avec leurs armes; ils firent feu, de maniere que nous fumes obliges de
faire demi-tour pour nous defendre. Malheureusement pour eux, un
bataillon qui faisait l'arriere garde et qu'ils n'avaient pu
apercevoir, arriva. Ils furent pris entre deux feux; en moins de cinq
minutes, plus un n'existait: c'est une ruse de guerre dont les Russes
se servent souvent, mais la, elle ne reussit pas.
Le premier qui tomba chez nous, lorsque nous marchions en colonne, fut
le malheureux Beloque, celui qui, a Smolensk, m'avait predit sa mort.
Il fut atteint d'une balle a la tete et tue sur le coup; il etait
l'ami de tous ceux qui le connaissaient, et, malgre l'indifference que
nous avions pour tout, et meme pour nous, Beloque fut generalement
regrette de ses camarades.
Lorsque nous eumes traverse le camp des Russes, et aborde le village,
apres les avoir forces a jeter une partie de leur artillerie dans un
lac, un grand
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