ndroit meme ou il etait tombe. Lorsque nous fumes sur
l'autre bord, nous marchames toujours en sondant devant nous. Lorsque
nous eumes fait la moitie du chemin pour arriver au bois, nous fumes
arretes par un fond assez semblable a celui ou nous avions passe la
nuit. Sans trop calculer le danger, nous le traversames, et ce fut
avec beaucoup de peine que nous arrivames de l'autre cote. La, il
fallut, tant nous etions fatigues, s'arreter encore pour respirer.
Un peu sur notre droite, l'on voyait arriver, d'une vitesse a nous
epouvanter, des nuages noirs. Ces nuages, arrivant avec le vent du
nord, nous annoncaient un ouragan terrible qui nous faisait presager
que nous allions passer une cruelle journee! Le vent deja se faisait
entendre dans la foret, a travers les sapins et les bouleaux, avec un
bruit effrayant, et nous poussait du cote oppose a celui ou nous
voulions aller. Quelquefois, nous tombions dans des trous caches par
la neige. Enfin, apres une petite heure, nous arrivames au point tant
desire, et au moment ou la neige commencait a tomber par gros flocons.
L'ouragan etait tellement violent, qu'a chaque instant des arbres
tombaient, casses ou deracines, menacant de nous ecraser, de sorte que
nous fumes forces de sortir de la foret et de suivre la lisiere du
bois, ayant le vent a notre gauche. Nous fumes arretes dans notre
marche par un grand lac que nous aurions pu facilement traverser,
puisqu'il etait gele. Mais ce n'etait pas notre direction. Enfin, ne
pouvant plus marcher a cause de la quantite de neige qui nous
empechait d'y voir, nous primes le parti de nous abriter contre deux
bouleaux assez gros pour nous garantir, et attendre mieux.
Il y avait deja longtemps que nous battions la semelle pour ne pas
avoir les pieds geles, quand je m'apercus que le vent etait tombe un
peu. J'en fis l'observation a Picart afin de nous disposer a changer
de place: "A la bonne heure! mon bon ami, me dit-il, car il faudrait
avoir le corps plus dur que du fer pour ne pas passer l'arme a gauche,
au bout d'une heure que l'on resterait ici!"
Nous avions deja cotoye une grande partie du lac, lorsque je vis
Picart s'arreter tout a coup et regarder fixement. Je l'interroge des
yeux. Il me repond en me saisissant le bras et en me disant bas a
l'oreille: "Bouche cousue!" Alors, me trainant sur la droite, derriere
un buisson de petits sapins, et me regardant, il me dit encore a voix
basse: "Vous ne voyez donc pas?--Je ne vois rien; e
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