erse la plaque de son bonnet a poil et
avait casse une aile de l'aigle imperiale, glisse sur le cote de la
tete et s'etait ensuite nichee dans des chiffons, dont le fond de son
bonnet etait plein; nous nous en assurames le soir, lorsque je lui
pansai sa blessure, car nous la retrouvames.
Pour gagner du temps, je proposai a Picart de monter a deux sur le
cheval: "Essayons!" dit-il. Aussitot, nous lui otames la selle de bois
qu'il avait sur le dos et, ne lui ayant laisse qu'une couverte qu'il
avait dessous, nous enfourchames le cheval, Picart sur le devant et
moi sur le derriere. Nous bumes un coup et nous partimes en tenant nos
fusils en travers, comme un balancier.
Nous voila en route, toujours au trot, quelquefois au galop. Souvent
notre marche etait interceptee par des arbres tombes. Cela fit naitre
a Picart l'idee de faire tomber ceux qui ne l'etaient pas tout a fait,
afin de former une barricade contre la cavalerie, si elle venait a
nous poursuivre. Il descendit donc de cheval, et, prenant ma petite
hache, au bout de quelques minutes, il acheva de faire tomber en
travers du chemin plusieurs sapins sur ceux qui l'etaient deja, de
maniere a donner de l'ouvrage, pendant plus d'une heure, a vingt-cinq
hommes. Ensuite il remonta gaiement a cheval, et nous continuames a
trotter pendant un bon quart d'heure, sans nous arreter. Tout a coup,
Picart s'arreta en disant: "Coquin de Dieu! sentez-vous comme moi, mon
pays, comme ce tartare a le trot dur?" Je lui repondis qu'il nous
faisait souffrir par vengeance de ce que nous avions tue son maitre:
"Diable! me dit-il, parait, mon sergent, que la petite goutte a fait
son effet et que vous avez le petit mot pour rire! Allons, tant mieux,
j'aime a vous voir comme cela!"
Pour ne plus souffrir autant de son derriere, Picart arrangea les pans
de son manteau blanc sur le dos du cheval, et nous pumes, non plus en
trottant, mais en marchant le pas ordinaire, aller encore pendant un
quart d'heure. Il y avait des moments ou le cheval avait de la neige
jusqu'au ventre. Enfin, nous apercumes un chemin qui traversait celui
sur lequel nous marchions et que nous primes pour la grand'route.
Mais, avant d'y entrer, il fallait agir avec prudence.
Nous mimes pied a terre, et, prenant le cheval par la bride, nous nous
retirames dans la foret, a gauche du chemin que nous venions de
parcourir, afin de pouvoir, sans etre vus, regarder sur la nouvelle
route que nous reconnumes, au bout d'un insta
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