apres, la neige nous arriva, avec un grand vent qui
nous forca de nous mettre sous les abris que nous avions eu la
precaution de faire. Un peu plus tard, le vent devint tellement
furieux, que la neige y entrait et nous empechait de prendre un peu de
repos, malgre que le sommeil nous accablait. Cependant je m'endormis
sur mon sac, sur lequel j'etais assis; pour me preserver de la neige,
j'avais mis sur ma tete mon collet double en peau d'hermine. Combien
de fois, dans cette triste nuit, je regrettai ma peau d'ours!
Mon sommeil ne fut pas de longue duree, car un coup de vent emporta
l'abri sous lequel j'etais avec mes deux soldats. Nous fumes alors
obliges de nous tenir toujours en mouvement, pour ne pas geler. Enfin
le jour parut, nous nous mimes en marche, en laissant dans le bivac
sept hommes, dont trois etaient deja morts, et quatre sans
connaissance, qu'il fallut abandonner.
Il pouvait etre huit heures, lorsque nous eumes rejoint la
grand'route, et, apres bien des peines, nous arrivames, sur les trois
heures apres midi, a Molodetschno, au milieu d'une cohue d'hommes de
tous les corps, surtout de l'armee d'Italie. En arrivant dans le
village, ou l'Empereur avait couche la veille, nous cherchames a nous
introduire pour passer la nuit dans une grange ou dans une ecurie,
mais nous etions arrives trop tard. Nous fumes obliges de nous etablir
au milieu d'une maison brulee, sans toit, et ou les trois quarts des
places etaient deja prises, mais nous nous regardames encore comme
tres heureux de pouvoir nous mettre un peu a l'abri d'un froid
excessif qui alla toujours en augmentant, jusqu'a notre arrivee a
Wilna.
J'appris plus tard, a mon arrivee en Pologne, que ce fut de ce
village, Molodetschno, que l'Empereur traca son vingt-neuvieme
bulletin, qui annoncait la destruction de notre armee, et qui fit tant
de sensation en France.
Le 5, il faisait grand jour lorsque nous partimes. Nous suivimes
machinalement plus de dix mille hommes qui marchaient confusement et
sans savoir ou ils allaient. Nous traversames beaucoup d'endroits
marecageux, ou nous eussions probablement tous peri, sans les fortes
gelees qui consolidaient le mauvais terrain sur lequel nous marchions.
Celui qui etait oblige de s'arreter n'etait pas en peine de retrouver
son chemin, car la quantite d'hommes qui tombaient pour ne plus se
relever pouvait servir de guide. Nous arrivames, lorsqu'il faisait
encore jour, a Brenitza, ou l'Empereur avait couche; i
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