me les juifs regardent.
Ensuite, ils passerent dans une autre chambre, et nous, en attendant
nous nous assimes sur un banc ou nous pumes, provisoirement, caresser
notre pain. Le juif qui nous avait conduits etait reste avec nous,
mais, un instant apres, on le fit passer dans une chambre ou etait le
banquier. Alors nous pensames que c'etait pour nous remettre notre
argent, et nous attendimes tranquillement.
L'envie que nous avions de boire du cafe nous fit perdre patience;
nous appelames le patron, mais personne ne parut. L'idee que l'on
voulait nous voler me vint de suite; j'en fis part a mon camarade, qui
pensa comme moi. Alors, pour mieux se faire entendre, il donna un
grand coup de crosse de fusil contre une espece de comptoir. Comme
personne ne paraissait encore, il redoubla contre une cloison en
planches de sapin qui faisait separation avec la chambre ou etaient
nos fripons. Nous les vimes qui avaient l'air de se concerter. Ayant
demande notre argent, on nous dit d'attendre; mais mon camarade
chargea son arme en presence de toute la bande, et moi je sautai au
cou de celui qui nous avait conduits, en lui demandant nos billets.
Lorsqu'ils virent que nous etions determines a faire quelque scene qui
n'aurait pas tourne a leur avantage, ils s'empresserent de nous
compter notre argent dont les deux tiers en or. Prenant celui qui nous
avait conduits, nous le fimes sortir avec nous; lorsque nous fumes
dans la rue, il protesta que tout ce qui venait de se passer n'etait
pas de sa faute. Nous voulumes bien le croire, en consideration du
cafe qu'il nous avait promis. Il nous conduisit chez lui, ou il tint
parole.
Lorsque nous eumes mange, mon camarade voulut retourner au faubourg,
mais, tant qu'a moi, me trouvant trop fatigue et meme malade, je me
decidai d'attendre le jour ou j'etais, et, comme il s'y trouvait deux
cavaliers bavarois, je me crus en surete; j'avais mis mon argent dans
ma ceinture et mon pain dans mon sac. Je me couchai sur un canape: il
pouvait etre quatre heures du matin.
Il n'y avait pas une demi-heure que je reposais, lorsque des coliques
insupportables me prirent, je fus force de me lever; apres, suivirent
des maux de coeur, et je rendis tout ce que j'avais dans le corps;
ensuite j'eus un derangement qui ne me donna pas un moment de repos,
de sorte que je pensais que le juif m'avait empoisonne. Je me crus
perdu, car j'etais tellement faible, que je ne pus prendre la
bouteille a l'eau-de-vie que j'a
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