vembre. Je
voulus me mettre a l'ouvrage pour en couper et faire ce que nous
appelions des _oreilleres_, afin de remplacer le bonnet de rabbin,
mais ayant la main droite gelee et l'autre fortement engourdie, je ne
pus parvenir a mon but. Deja je me desesperais, lorsqu'un second
arriva, plus fort et plus vigoureux que moi; il etait de la garnison
de Wilna. Il coupa avec un couteau la sangle qui retenait la
schabraque, ensuite il m'en donna la moitie. En attendant que je pusse
l'arranger convenablement, je la mis sur la tete et continuai a
marcher.
Deux coups de canon se firent entendre, ensuite la fusillade: c'etait
le marechal Ney qui sortait de la ville en faisant l'arriere-garde, et
qui etait aux prises avec les Russes. Ceux qui ne pouvaient plus
combattre doublerent le pas autant qu'il leur etait possible; je
voulus faire comme eux, mais mon pied gele et ma mauvaise chaussure
m'en empechaient, puis les coliques qui me prenaient a chaque instant
et qui me forcaient de m'arreter, faisaient que je me trouvais
toujours des derniers. J'entendis derriere moi un bruit confus: je fus
heurte par plusieurs soldats de la Confederation du Rhin qui fuyaient.
Je tombai de tout mon long dans la neige et, aussitot, d'autres me
passerent sur le corps. Ce fut avec beaucoup de peine que je me
relevai, car j'etais abime de douleurs, mais comme j'etais habitue aux
souffrances, je ne dis rien. J'apercus, pas loin de moi,
l'arriere-garde; je me crus perdu si, malheureusement, elle venait a
me depasser, mais le contraire arriva, car le marechal la fit arreter
sur une petite eminence, afin de donner le temps a d'autres hommes que
l'on apercevait de sortir encore de la ville pour nous rejoindre. Le
marechal avait avec lui, pour contenir l'ennemi, environ trois cents
hommes.
J'apercus devant moi un individu que je reconnus, a sa capote, pour
etre un homme du regiment. Il marchait fortement courbe, en paraissant
accable sous le poids d'un fardeau qu'il portait sur son sac et sur
ses epaules. Faisant un effort pour me rapprocher de lui, je fus a
meme de voir que le fardeau etait un chien et que l'homme etait un
vieux sergent du regiment nomme Daubenton[63]; le chien qu'il portait
etait le chien du regiment, que je ne reconnaissais pas.
[Note 63: Le sergent Daubenton etait un vieux brave qui avait fait
les campagnes d'Italie. (_Note de l'auteur_).]
Je lui temoignai ma surprise de le voir charge d'un chien, puisque
lui-meme avait de la pe
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