ldat de la Garde!--Ah! ah! repondit-on, d'ou diable
sortez-vous, mon camarade, que je ne vous ai pas rencontre depuis que
je marche seul?" Je lui contai une partie de ce qui m'etait arrive
depuis le _hourra_ des Cosaques, dont il me dit n'avoir pas entendu
parler.
Nous sortimes pour nous mettre en marche: je m'apercus que mon nouveau
camarade etait un vieux chasseur a pied de la Garde, et qu'il portait,
sur son sac et autour de son cou, un pantalon de drap qui, suivant
moi, ne lui servait de rien, mais qui pouvait m'etre d'un grand
secours. Je le suppliai de me le ceder pour un prix, et lui montrai
l'etat de nudite de mes jambes: "Mon pauvre camarade, me dit-il, je ne
demande pas mieux que de vous obliger, si cela se peut, mais je vous
dirai que le bas du pantalon est brule a plusieurs places et qu'il y a
meme de grands trous.--N'importe, cedez-le-moi, cela me sauvera
peut-etre la vie!" Il le tira de dessus son sac en me disant: "Tenez,
le, voila!" Alors je pris deux pieces de cinq francs dans ma
carnassiere, en lui demandant si c'etait assez: "C'est bien, me
repondit-il, depechez-vous et partons, car j'apercois deux cavaliers
qui semblent descendre du cote de la route, et qui pourraient bien
etre les eclaireurs d'un parti de Cosaques!"
Pendant qu'il me parlait, je m'etais appuye contre le montant de la
porte et j'avais passe le pantalon dans mes jambes. Je le fis tenir,
comme le precedent, avec le cachemire qui me serrait le corps, et nous
partimes.
Nous n'avions pas fait cent pas, que mon compagnon, qui marchait mieux
que moi, en avait deja plus de vingt d'avance. Je le vis se baisser et
ramasser quelque chose; je ne pus, pour le moment, distinguer ce que
c'etait, mais, arrive au meme endroit, j'apercus un homme mort. Je
reconnus que c'etait un grenadier de la Garde royale hollandaise qui,
depuis le commencement de la campagne, faisait partie de la Garde
imperiale. Il n'avait plus de sac, ni de bonnet a poil, mais il avait
encore son fusil, sa giberne, son sabre et de grandes guetres noires
aux jambes, qui lui allaient jusqu'au-dessus des genoux. L'idee me
vint de les lui oter pour les mettre au-dessus de mon pantalon et
couvrir ses trous. Je m'assieds sur ses cuisses, et je finis par les
lui tirer; ensuite je me remets a marcher plus vite que de coutume,
comme si celui a qui je venais de les prendre allait courir apres moi.
Pendant ce temps, le chasseur avait continue sa route, de sorte que je
ne pouvais plu
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