us presentames chez le bourgmestre afin d'avoir
un billet de logement, mais on nous le refusa brutalement en nous
disant que nous n'avions qu'a coucher dans la rue. Nous voulumes faire
des observations; on nous ferma la porte au nez. Nous nous presentames
dans plusieurs auberges ou, en payant, nous demandames a loger, mais
partout nous eumes la meme reception.
Nous decidames, les chasseurs et nous, que nous continuerions a
marcher ensemble, qu'ils profiteraient de notre traineau et, comme il
n'etait pas assez grand pour nous contenir tous, que deux iraient a
pied, chacun son tour.
De cette maniere, nous devions tacher d'atteindre un village ou nous
trouverions peut-etre des habitants plus hospitaliers. A une portee de
fusil, nous apercumes une maison un peu ecartee de la route. Nous
primes aussitot le parti de nous y loger de force, si l'on ne voulait
pas nous y recevoir de bonne volonte. Le paysan nous dit qu'il nous
logerait avec plaisir, mais que s'il etait connu, par ceux du village,
pour nous avoir donne a coucher, il aurait la _schlague_; que si,
cependant, on ne nous avait pas vus entrer, il risquerait de nous
loger. Nous l'assurames que personne ne nous avait apercus, qu'il
pouvait nous recevoir sans crainte et qu'avant de partir, nous lui
donnerions deux thalers. Il parut tres content et sa femme encore
davantage, et nous nous installames autour du poele.
Pendant que l'homme etait sorti pour mettre notre cheval a l'ecurie,
la femme, s'approchant de nous, nous dit tout bas, et en regardant si
son mari ne venait pas, que les paysans etaient mechants pour les
Francais, parce que, lorsque l'armee avait passe, au mois de mai, des
chasseurs a cheval de la Garde avaient loge quinze jours dans le
village, et qu'il y en avait un, chez le bourgmestre, si joli, si
jeune, que toutes les femmes et les filles venaient sur leur porte
pour le voir; c'etait un fourrier. On jour, il arriva que le
bourgmestre le surprit qui embrassait madame, de sorte que le
bourgmestre battit madame. Le fourrier, a son tour, battit le
bourgmestre, de sorte que madame est grosse, et que l'on dit que c'est
du fourrier. Nous etions a ecouter et a sourire de la maniere dont la
femme nous contait cela.
"Ce n'est pas tout, continua-t-elle; il y a encore trois autres
femmes, dans le village, qui sont comme la femme du bourgmestre, et
c'est pour cela qu'ils sont mechants pour les Francais, de si jolis
garcons!" A peine avait-elle dit le mot, qu
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