tion, nous sortimes de cette maison en temoignant tout notre
mepris au butor qui nous recevait de la sorte et en le menacant de
rendre compte de sa conduite aux magistrats de la ville.
Nous decidames qu'il fallait tacher de changer notre billet, et c'est
moi qui fus charge de cette mission, pendant que mes camarades
m'attendaient dans une auberge ou nous venions d'entrer.
Lorsque j'arrivai a l'Hotel de Ville, il n'y avait pas beaucoup de
monde. Je m'adressai au bourgmestre qui parlait francais. Je lui
contai la maniere brutale dont nous avions ete recus. Je lui montrai
mon pied droit enveloppe d'un morceau de peau de mouton, et la main
droite dont une phalange, la premiere du doigt du milieu, etait pres
de tomber. Il parla a celui qui etait charge des logements, qui me dit
que nous ne pourrions pas etre loges ensemble: "Voila, me dit-il, un
billet pour quatre et le cheval; en voila un autre que je vous
conseille de garder pour vous. C'est chez un Francais qui a epouse une
femme de la ville." Apres l'avoir remercie, je retournai trouver mes
camarades.
Arrives au faubourg, nous allames au logement du billet pour quatre et
le cheval. C'etait la maison d'un pecheur situee sur le bord d'un
canal dans la direction du port; nous y fumes assez bien recus.
Lorsque nous fumes organises, j'offris le billet qui etait pour un, a
celui qui le voudrait, mais personne n'en voulut. Alors je le gardai,
et je m'informai si c'etait loin de l'endroit ou nous etions: il n'y
avait qu'un pont a traverser.
La maison me parut tres apparente. En entrant, la premiere personne
que je rencontrai, fut la domestique, grosse Allemande aux joues
fleuries. Je lui presentai mon billet. Elle me dit que, deja, il y
avait quatre militaires loges et, en meme temps, elle alla chercher la
dame de la maison, qui me dit la meme chose, en me montrant la chambre
ou ils etaient. C'etaient justement des hommes du regiment qui, comme
nous, venaient d'arriver isolement. Je pris aussitot la resolution de
retourner au premier logement rejoindre mes camarades. Mais la dame,
qui venait de voir, sur son billet, que j'etais sous-officier de la
Garde imperiale, me dit: "Ecoutez, mon pauvre monsieur, vous me
paraissez si souffrant, que je ne veux pas vous laisser sortir d'ici.
Suivez-moi, je vais vous donner une chambre pour vous seul, et vous
aurez un bon lit, car je vois que vous avez besoin de repos." Je lui
repondis que c'etait tres bien a elle d'avoir pitie de moi
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