Nous la
remerciames. Ensuite elle se mit a causer avec la domestique: cette
derniere lui disait que l'on venait de lui assurer que l'armee russe
n'etait plus qu'a quatre journees de marche de la ville et qu'un juif,
qui arrivait de Tilsitt, avait rencontre des Cosaques aupres d'Eylau.
Comme je parlais assez l'allemand pour comprendre une partie de la
conversation, j'entendis que la dame disait: "Mon Dieu! que vont
devenir tous ces braves jeunes gens?" Je temoignai a la bonne
Allemande toute ma reconnaissance pour l'interet qu'elle prenait a
notre sort, en lui disant qu'a present que nous avions a manger et a
boire, nous nous moquions des Russes.
Si les hommes nous etaient hostiles, nous avions partout les femmes
pour nous.
Je fis souvenir a Picart que le lendemain, c'etait le jour de l'an
1813, et que je l'attendais a passer la journee chez moi. Il regarda
dans une glace comment etait sa figure, ensuite il decida qu'il
viendrait: effectivement il allait bien, il n'avait fait que changer
de peau. Comme il ne connaissait pas mon logement, il fut convenu que
je le prendrais a onze heures, en face du palais du roi Murat; ensuite
nous nous disposames a retourner chez nous. Mais il etait tombe une si
grande quantite de neige, que nous fumes obliges de louer un traineau.
Nous arrivames a notre logement, moi avec un grand mal de tete et un
peu de fievre, suite de la fete de la veille.
Mme Gentil avait ete inquiete de mon absence; sa domestique avait
attendu jusqu'a minuit. Je lui temoignai toute la peine que
j'eprouvais, mais le mauvais temps fut mon excuse. Je lui dis que, le
lendemain, j'aurais deux amis a diner; elle me repondit qu'elle ferait
ce qu'il conviendrait pour que je sois content: c'etait dire qu'elle
voulait en faire les frais. Ensuite elle me donna de la graisse tres
bonne, disait-elle, pour les engelures; elle pretendit que j'en fisse
usage de suite. Je me laissai faire; elle etait si bonne, Mme Gentil!
D'ailleurs les Allemandes etaient bonnes pour nous.
Je passai le reste de la journee sans sortir, presque toujours couche,
recevant les soins et les consolations de mon aimable hotesse.
Le soir etant venu, je pensais a ce que je pourrais lui donner pour
cadeau du jour de l'an. Je me promis de me lever de grand matin et de
voir, chez quelques juifs, si je ne trouverais pas quelque chose.
Ensuite, je me couchai avec l'idee de passer une bonne nuit, car la
soiree de la veille m'avait fatigue.
Le lendem
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