s, mes
concitoyens, qui l'ont faite avec moi. Leurs rangs, helas!
s'eclaircissent tous les jours. Les faits que j'ai racontes paraitront
incroyables et parfois invraisemblables. Mais qu'on ne s'imagine pas
que j'ajoute quelque chose qui ne soit vrai et que je veuille embellir
mon recit pour le rendre interessant. Au contraire, je prie de croire
que je ne dis pas tout. Cela me serait impossible, car j'ai peine a y
croire moi-meme, et cependant tout cela a ete mis en note pendant que
j'ai ete prisonnier en 1813 et a mon retour de cette captivite, en
1814, sous le coup de l'impression et de l'effet que produisent, dans
le coeur, la vue et la participation de pareils desastres.
Ceux qui ont fait cette malheureuse et glorieuse campagne,
conviendront qu'il fallait, comme disait l'Empereur, etre de fer pour
avoir resiste a tant de maux et de miseres, et que c'est la plus
grande epreuve a laquelle l'homme puisse etre expose.
Si j'ai pu oublier quelque chose, comme date ou noms d'endroits, ce
que je ne pense pas, il est de mon devoir de dire que je n'ai rien
ajoute.
Plusieurs temoins de ce que j'ecris, qui etaient dans le meme regiment
que moi, et quelques-uns dans la meme compagnie, et qui ont fait cette
memorable campagne, vivent encore. Je citerai en particulier:
MM. _Serraris_, grenadier velite, actuellement marechal de camp au
service du roi de Hollande, natif de Saint-Nicolas en Brabant. Il
etait lieutenant dans la meme compagnie ou j'etais alors sergent[78].
[Note 78: Ancien camarade de Bourgogne aux velites de la Garde ou
il etait aussi entre en 1806, le lieutenant Serraris fit toutes les
campagnes de l'Empire, recut la croix des mains de l'Empereur a la
revue du Kremlin (v. page 46), et quitta le service en 1814, apres
avoir ete promu chef de bataillon et officier de la Legion d'honneur.
Il est mort en 1855, lieutenant general au service des Pays-Bas. Il a
laisse, nous ecrit son fils, un journal de ses campagnes dont la
partie relative a celle de Russie confirme entierement l'exactitude
des recits de Bourgogne.]
_Rossi_, fourrier dans la meme compagnie, natif de Montauban, et que
j'eus le bonheur de rencontrer a Brest, en 1830. Il y avait seize ans
que nous ne nous etions vus.
_Vachin_[79], alors lieutenant dans le meme bataillon, habitant
actuellement Anzin (Nord). Lorsque je le rencontrai, il y avait vingt
ans que nous ne nous etions vus.
[Note 79: Mort a Valenciennes en 1856. (_Note de l'auteur_.)]
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