nous sommes battus pendant les journees des 15, 16 et 17 novembre,
contre l'armee russe forte de cent mille hommes, la nuit du 16, la
veille de la bataille du 17, lorsque les Russes nous serraient de
pres, Pavart, qui etait alors caporal, commandait une patrouille de
six hommes. En cheminant, il apercoit, sur sa droite, une autre
patrouille composee de cinq hommes. Pensant, et presque certain que
c'etaient des notres, il dit aux hommes qu'il commandait: "Halte!
attendez-moi. Je vais parler a celui qui la commande afin de marcher
dans la meme direction, pour ne pas tomber dans les avant-postes des
Russes." Aussitot, les hommes s'arretent et lui s'avance vers cette
patrouille qui, en voyant un homme seul venir a elle, croit
probablement que c'est un des leurs. Mais Pavart reconnait que ce sont
des Russes. Il etait trop tard pour retrograder, il s'avance
resolument et, sans donner le temps aux Russes de se reconnaitre, il
tombe dessus et, a coups de baionnette, il en met trois hors de
combat. Les autres se sauvent. Apres ce coup hardi, il retourne pour
rejoindre ses hommes, mais ils etaient pres de lui; ils accouraient
pour le secourir.
_Wilkes_, sous-officier dans un regiment de ligne, habitant de
Valenciennes, prisonnier sur les bords de la Berezina, conduit en
captivite a quatorze cents lieues de Paris, ou il resta pendant trois
ans.
Le capitaine _Vachin_, dont j'ai parle plus haut, avant de partir pour
la Russie, lorsque nous etions en Espagne, eut, avec mon
sergent-major, une discussion tres vive, qui finit par un duel et un
coup de sabre qui partagea la figure de mon sergent-major en deux, car
cela lui prenait depuis le haut du front jusqu'au bas du menton. Il en
fit autant a l'occasion, aux Autrichiens, Prussiens, Russes,
Espagnols, Anglais contre lesquels il combattit pendant dix ans sans
interruption, car pendant ce laps de temps il assista a plus de vingt
grandes batailles commandees par l'empereur Napoleon.
A la bataille d'Essling, le 22 mai 1809, Vachin portait pendue a son
cote une gourde remplie de vin. Un de ses amis, sous-officier comme
lui, lui fait signe qu'il voudrait bien boire un coup de son vin.
Vachin lui crie d'avancer, et lorsqu'il fut pres de lui, il lui
presenta a boire en se baissant de cote. Cela se passait au fort de
l'action ou les boulets et la mitraille nous arrivaient de toutes
parts. Mais a peine le buveur avait-il avale quelques gorgees, qu'un
brutal de boulet autrichien emporte
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