'a Elbing, douze lieues, mais comme
nous ne voulions pas fatiguer notre cheval, nous decidames que nous
irions loger a trois lieues de cette ville.
Apres une lieue de marche, nous apercumes plusieurs traineaux venant
sur notre gauche pour marcher aussi sur Elbing. Cela nous fit penser
que nous n'avions pas suivi la route que les debris de l'armee avaient
prise, car au lieu d'aller sur Eylau, nous devions nous diriger sur
Friedland.
Un traineau de grande dimension et traine par deux chevaux vigoureux
passa pres de nous. Il allait tellement vite que nous ne pumes
distinguer de quel regiment etaient les militaires qu'il conduisait.
Au bout d'une demi-heure, nous apercumes une maison d'assez belle
apparence, c'etait la poste aux chevaux, et, en meme temps, une bonne
auberge; nous vimes, sur la porte, plusieurs soldats de la Garde et
d'autres qui partaient sur des traineaux que l'on venait de leur
procurer.
Nous descendimes et nous entrames. Nous demandames du vin, car un
velite chasseur et un ancien venaient de nous dire qu'il y en avait,
et "du soigne". Ils paraissaient meme en avoir bu copieusement.
Le vieux comme le jeune etaient d'une gaiete folle, chose qui arrivait
presque a tous ceux qui, comme nous, avaient eu tant de miseres et de
privations. La plus petite boisson vous portait a la tete. Le vieux
nous demanda si nous avions rencontre le regiment de grenadiers
hollandais, faisant partie de la Garde imperiale. Nous lui repondimes
que non: "Il a passe pres de vous, dit le velite, et vous ne l'avez
pas apercu? Ce grand traineau qui vous a depasse, eh bien, c'etait
tout le regiment des grenadiers hollandais! Ils etaient sept!"
Le maitre de poste annonca a nos deux chasseurs qu'il y avait un
traineau a leur disposition et que, pour trois thalers (quinze
francs), il les conduirait a trois lieues d'Elbing. Nous nous
disposames a partir avec eux, puisqu'ils avaient un conducteur. Cinq
minutes apres, nous etions en route.
Grangier et moi nous trouvames fortement indisposes et rendimes tout
ce que nous avions pris depuis la veille. Cette indisposition venait
de ce que notre estomac n'etait plus habitue a prendre de fortes
nourritures, il aurait fallu nous y habituer peu a peu; c'est ce que
nous nous promimes de faire. Arrives au village, nous primes chacun un
verre de genievre de Dantzig. Nous continuames a marcher jusqu'au
moment ou nous arrivames dans le village ou nous devions loger. Il
faisait nuit; nous no
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