e et, lorsque je fus en face, je
vis trois grands coquins de Cosaques compter de l'argent sur une table
et un paysan les eclairer. Je me disposais a me retirer pour retourner
a la grange rejoindre mon frere, lorsque j'en vis un faire un
mouvement du cote de la porte, l'ouvrir et sortir; fort heureusement
qu'un traineau charge de bois se trouvait pres de moi pour me cacher:
je me mis a plat ventre sur la neige.
"Le Cosaque, apres avoir satisfait un besoin, rentra dans la maison et
ferma la porte. Aussitot je me levai pour me sauver, mais comme il
fallait passer vis-a-vis de la fenetre, dans la crainte d'etre vu, je
fis le tour a droite. Je n'avais pas encore fait dix pas, qu'une porte
s'ouvrit. Pour ne pas etre vu, j'entrai dans une ecurie et me couchai
sous une auge dans laquelle des chevaux mangeaient. A peine y
etais-je, qu'un paysan portant une lanterne et suivi d'un Cosaque, y
entra. Je me crus perdu. Le Cosaque portait un portemanteau; il
l'attacha sur son cheval, l'examina, et sortit en fermant la porte.
"J'allais sortir moi-meme, lorsqu'une idee me vint d'enlever un
cheval: je m'empare au plus vite de celui au portemanteau, mais en le
faisant tourner pour sortir de l'ecurie, quelque chose me tombe sur
l'epaule; c'est la lance du Cosaque qui etait appuyee sur son cheval.
Je m'en empare pour me defendre au besoin, et je sors. J'arrive pres
de la grange, j'aide mon frere a monter a cheval, et, moi prenant la
bride, nous marchons dans la direction de la route. Lorsque nous eumes
fait environ deux cents pas, je regardai si je ne voyais rien venir.
Je lui remis la lance du Cosaque, et le couvris avec le grand collet a
poil de chameau qui se trouvait sur le cheval. Apres une demi-heure
de marche, nous arrivames sur la route; ensuite, tournant dans la
direction de Gumbinnen, nous apercumes des paysans occupes a enlever
les roues d'un caisson abandonne. Pour ne point passer pres d'eux,
nous primes un chemin sur notre gauche, qui nous conduisit a l'entree
d'un village que nous aurions bien voulu eviter, tant nous avions
crainte de retomber entre les griffes de nos ennemis. Dieu sait ce
qu'il nous en serait arrive, car, nous voyant possesseurs d'un cheval
et d'une arme appartenant a l'un des leurs, ils pouvaient penser que
nous avions tue l'individu a qui tout cela avait appartenu!
"Nous etions arretes pour deliberer, lorsque nous entendimes du bruit
derriere nous; aussitot nous voulons fuir, mais il n'y avait pas
pos
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