vai avec peine et gagnai le bois, que je traversai. Enfin, me
voila heureux, mes amis, de vous avoir rencontres, mais que vais-je
devenir?--Nous vous conduirons, repondirent les soldats du train.--Et
moi, reprit le frere sergent, je vous preterai mon cheval."
Malgre le sommeil qui m'accablait, je me disposai a partir, car, comme
je n'etais pas fort, il me fallait beaucoup de temps pour faire peu de
chemin. Un jeune soldat du train me proposa de m'accompagner, si je
voulais partir de suite: j'acceptai d'autant plus volontiers, que ce
jeune soldat, qui n'avait pas eu de miseres, etait fort et pourrait me
secourir au besoin. Enfin nous partimes.
Nous entrames dans un bois que la route traversait. La, le soldat, qui
n'etait pas arme, voulut porter mon fusil; je le lui cedai d'autant
plus volontiers que, dans l'etat de faiblesse ou je me trouvais, il
pouvait mieux s'en servir que moi. Apres avoir marche je ne sais
combien de temps, soutenu par le bras de mon jeune compagnon, car
souvent je dormais en marchant, nous arrivames a l'extremite du bois:
il pouvait etre quatre heures du matin, c'etait le 16 decembre.
Nous marchames encore au hasard pendant environ une demi-heure; fort
heureusement la lune se leva. Mais avec elle arriva un grand vent, et
une neige si fine qu'elle nous coupait la figure, et nous empechait
d'y voir.
Je souffrais beaucoup de l'envie de dormir et, sans le secours du
petit soldat du train, qui me tenait toujours sous le bras, je serais
infailliblement tombe en dormant. Mon compagnon de voyage me fit
remarquer un grand corps de batiment qu'il apercevait devant nous: je
reconnus que c'etait une station de poste comme celle que nous avions
quittee, et je jugeai, d'apres cela, que nous avions fait trois
lieues. Au bout d'un quart d'heure, nous arrivames pres d'une des
portes. En entrant, je me jetai pres d'un feu, car il y en avait
plusieurs abandonnes par des militaires, presque tous de la Garde
imperiale, pour marcher sur Wilbalen. Quelques canonniers, aussi de
la Garde, y etaient encore, mais ils se disposaient a partir.
Il n'y avait pas dix minutes que je dormais comme un bienheureux, que
je me sentis fortement secoue par le bras. Je veux resister, mais l'on
me souleve par les epaules; enfin je m'eveille, et un cri se fait
entendre, profere par un vieux canonnier: "Les Cosaques! Levez-vous,
mon garcon! Encore un peu de courage!"
J'apercus onze Cosaques arretes et qui, probablement, n'attendai
|