le, a son tour, qui voulait
m'etrangler. Fort heureusement qu'un grand coup de pied dans le
derriere, donne par un de mes camarades, la fit relever. Dans ce
moment, le mari entra, mais ce fut pour recevoir un grand coup de
poing de sa chere femme qui etait comme une furie, qui lui dit qu'il
n'etait qu'un grand lache et que, s'il n'allait pas, de suite,
chercher les voisins et les Cosaques, elle lui arracherait les yeux.
Comme nous etions cinq contre deux, nous l'empechames de sortir de la
maison et nous le forcames de mettre le cheval au traineau, mais il
fallut donner ce que cette coquine avait demande; il n'y avait pas a
marchander, les Cosaques etaient proches. Avant de partir, je dis a
cette diablesse que, si je revenais, je lui ferais rendre avec usure
l'argent que nous lui donnions. A cela, elle me repondit en me
crachant a la figure; comme je voulais riposter a cette insulte par un
coup de crosse de fusil, mes camarades m'en empecherent.
Nous nous placames sur le traineau pour partir au plus vite.
Ce jour-la, 19 decembre, nous allames coucher a Insterbourg, ou nous
arrivames a la nuit; nous fumes loges chez de braves gens.
Le lendemain 20, c'etait un dimanche; nous partimes de grand matin
pour aller coucher a Eylau. La, nous allames directement a la Maison
de Ville, ou l'on nous donna, sans difficulte, un billet de logement.
Nous fumes encore chez de bonnes gens, chez qui nous trouvames un bon
feu; on nous offrit a chacun un verre de genievre. Ensuite, notre
bourgeoise alla chercher nos vivres avec notre billet de logement, car
les communes venaient de recevoir l'ordre de nous donner les vivres.
Lorsque nous fumes rechauffes et un peu reposes, nous nous disposames,
en attendant la soupe, a faire une visite au champ de bataille, que
nous parcourumes en partie. Nous vimes plusieurs monuments funebres,
c'est-a-dire de simples croix en bois; nous en remarquames
particulierement une avec cette inscription: "Ici reposent vingt-neuf
officiers du brave 14me de ligne, morts au champ d'honneur[74]".
[Note 74: Plus cinq cent quatre-vingt-dix sous-officiers et
soldats. (_Note de l'auteur_).]
Apres quelques observations sur l'emplacement des troupes, le jour de
cette terrible bataille, nous entrames en ville, qui nous parut
deserte. Il est vrai que c'etait un dimanche; que les habitants
etaient, vu la saison, renfermes chez eux, et que nous nous trouvions
les seuls Francais, les autres ayant pris une autre directi
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