de fusils de la Garde imperiale, de sorte que nous pumes
en prendre d'autres. Enfin nous arrivames a Wehlau a trois heures.
Nous vimes plus de deux mille soldats rassembles pres de l'Hotel de
Ville, attendant des billets de logement. Un grand coquin de Prussien
s'avance pres de nous, et nous dit que, si nous voulons, pour peu de
chose, il nous logera chez lui; qu'il a une chambre bien chaude, de la
paille pour nous coucher, et une ecurie pour notre cheval. Nous
acceptames avec empressement. Arrives chez lui, il met le cheval a
l'ecurie, nous fait monter au second, et la, nous entrons dans une
chambre passablement malpropre; il en etait de meme de la paille, mais
il faisait chaud, c'etait l'essentiel.
Nous vimes paraitre une femme qui avait pres de six pieds de haut, et
une vraie figure de Cosaque; elle nous dit qu'elle etait la bourgeoise
de la maison, et que, si nous avions besoin de quelque chose, nous
n'avions qu'a lui donner de l'argent, qu'elle irait nous le chercher.
C'etait ce que nous demandions, car pas un de nous n'etait dispose a
sortir. Je lui donne cinq francs pour aller nous chercher du pain, de
la viande et de la biere. Un instant apres, elle nous apporta de l'un
et de l'autre; on fit la soupe, et, apres avoir mange et nous etre
assures que notre cheval ne manquait de rien, nous nous reposames
jusqu'au lendemain matin.
Avant de partir, nous donnames a notre bourgeoise une piece de cinq
francs pour la nuit, mais elle nous dit que cela ne suffisait pas;
alors nous lui en donnames une seconde. Mais ce n'etait pas encore son
compte; elle exigea que nous lui donnions une piece de cinq francs par
chaque homme, plus une pour le cheval.
Alors je me levai pour lui dire qu'elle n'etait qu'une grande canaille
et qu'elle n'aurait pas davantage. A cela, elle me repondit en me
passant la main sur la figure et en me disant: "Pauvre petit
Francais, il y a six mois, lorsque tu passas par ici, c'etait fort
bien, tu etais le plus fort; mais aujourd'hui, c'est different! Tu
donneras ce que je te demande, ou j'empeche mon mari de mettre le
cheval au traineau et je vous fais prendre par les Cosaques!" Je lui
repondis que je me moquais des Cosaques comme des Prussiens: "Oui, me
repondit-elle, si tu savais qu'ils sont pres d'ici, tu ne dirais pas
cela!" Alors voyant toute la mechancete de cette femme, je l'attrapai
par le cou pour l'etrangler, mais elle fut plus forte que moi, elle me
renversa sur la paille et c'etait el
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