eaux ou des voitures
pour se faire conduire, nous tacherons d'en trouver". Nous restames
assez longtemps dans la rue, en attendant le roi Murat. Pendant ce
temps, on etait surpris de rencontrer des amis, de retrouver vivants
ceux que l'on pensait morts. J'eus le plaisir de rencontrer le sergent
Humblot, avec qui j'avais voyage la veille et dont j'avais ete separe
dans les bois, au moment du _hourra_. J'appris aussi que les
cantinieres Marie et la mere Gateau etaient arrivees a bon port.
Le roi Murat ne venant pas, l'on prit les noms des hommes incapables
de marcher, afin de les faire partir le lendemain, a six heures du
matin, avec des traineaux que les autorites fournissaient. Nos
camarades s'occuperent d'en chercher, mais il leur fut impossible d'en
trouver. Il fallut s'en consoler en se disposant a passer une bonne
nuit, afin de pouvoir marcher le jour suivant.
Picart m'avait dit qu'il voulait me parler avant de nous separer. A
peine l'ordre du depart fut-il donne, que je sentis une grosse tape
sur l'epaule; c'etait lui. Il me fit signe, ainsi qu'a Grangier, de
le suivre, et, lorsque nous fumes eloignes de maniere a ce que
personne ne put nous entendre, il me dit: "Vous allez me faire
l'amitie d'accepter un bon coup de vin blanc, vin du Rhin!--Pas
possible!" m'ecriai-je. Pour toute reponse, il nous dit: "Suivez-moi!"
Chemin faisant, il nous conta que, la veille, il avait rencontre un
juif avec qui il avait fait connaissance, et cela pour lui vendre des
objets dont il voulait se defaire, ses epaulettes de colonel et autre
chose encore, mais qu'il n'avait pas manque, comme cela lui arrivait
souvent, de se faire passer pour juif en disant que sa mere etait
fille du rabbin de Strasbourg et que lui se nommait Salomon. Enchante,
et aussi dans l'espoir de faire un bon marche, l'autre lui avait
indique sa demeure, en l'assurant qu'il lui procurerait du bon vin du
Rhin.
Nous arrivames derriere la synagogue: a cote etait une petite maison
ou Picart s'arreta. Il regarda a droite et a gauche s'il ne voyait
rien; ensuite, se pincant le nez, il appela d'une voix nasillarde, et
a plusieurs reprises: "Jacob! Jacob!" Nous vimes paraitre, par un
trou, une espece de figure coiffee d'un long bonnet fourre et ornee
d'une sale barbe: c'etait Jacob le juif. En reconnaissant Picart, il
lui dit en allemand: "Ah! c'est vous, mon cher Salomon; je vais vous
ouvrir!" Le juif ouvrit la petite porte, et nous entrames dans une
chambre bien c
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