qu'il para avec la main gauche couverte d'un gant en
peau de mouton. Ils allaient nous echapper, quand Pierson arriva pour
me seconder, tandis que les autres, encore en bas du remblai, qu'ils
n'avaient pas la force de remonter, juraient et nous criaient de tuer
les juifs. Celui auquel j'avais donne un coup de sabre se sauvait en
traversant le canal; l'autre, qui tenait les chevaux, demandait grace
en disant que c'etait la faute de son camarade. Cela n'empecha pas
Pierson d'appliquer quelques coups de plat de sabre a celui qui
restait et qui demandait pardon en nous appelant colonel et general.
Pierson, prenant les chevaux par la bride, lui ordonna de descendre
afin d'aider nos camarades a remonter. C'est ce qu'il s'empressa de
faire; il en fut recompense par les coups de poings qu'on lui appliqua
avec force. Lorsqu'ils furent remontes, Leboude nous annonca que nous
avions acquis de droit le traineau et les chevaux, car ces deux
coquins avaient cherche a nous detruire, afin de s'emparer de ce que
nous avions.
Nous ordonnames au juif de nous conduire, au grand galop, par le
chemin le plus court, afin de rejoindre l'armee, mais il fallut
retourner par ou nous etions venus.
Arrives pres de la ville, le juif voulait nous y faire entrer sous
pretexte de prendre quelque chose chez lui: c'etait pour nous livrer
aux Cosaques, qui y etaient deja. Nous lui fimes sentir la pointe du
sabre dans le dos, le menacames de le tuer, s'il faisait encore un pas
du cote de la ville. Aussi s'empressa-t-il de tourner a gauche, sur la
route que suivait l'armee, dont nous apercevions les derniers
traineaux a une grande distance. Un quart d'heure apres, nous les
avions rejoints, ensuite nous les depassames en descendant une cote
avec rapidite.
Comme j'etais place sur le derriere du traineau, le bout du timon de
l'un de ceux qui descendaient m'atteignit dans le flanc droit et me
jeta sur la neige a plus de six pieds. Je restai sans connaissance. Un
fourrier des Mamelucks, qui me connaissait, s'empressa de me relever
et de m'asseoir sur la neige[73]. Mes camarades s'empresserent aussi
de venir a mon secours: on pensait que le timon m'etait rentre dans
le corps, mais fort heureusement que mes habillements avaient amorti
le coup; et puis, par bonheur, le bord du timon etait garni d'une peau
de mouton.
[Note 73: Le Mameluck qui me releva se nommait Angelis; il etait
de la Georgie; nous nous etions connus en Espagne; il etait un des
Mamelu
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