ote, mais, comme il voit que je me dispose a recommencer, il fait
demi-tour et se sauve en beuglant. Ceux qui nous suivent en font
autant, et nos chevaux font le meme mouvement, de sorte que nous
voila, a notre tour, a la suite des Cosaques qui se sauvent a tous les
diables en recevait quelques coups de fusil des hommes de chez nous,
dont nous faillimes etre attrapes.
[Note 71: Le Cosaque a qui le sergent a coupe la figure d'un coup
de sabre est bien celui que j'ai vu dans le bois et dont les camarades
ont panse la plaie. (_Note de l'auteur_.)]
"J'apercois un chemin a droite: nous y entrons, un Cosaque y etait
deja. En nous voyant, il ralentit le pas, s'arrete et nous parle un
langage que nous ne comprenons pas: je lui assene un violent coup de
sabre sur la tete, et je crois que je l'aurais partage en deux, sans
un bonnet de peau d'ours qui le coiffait. Etonne de cette maniere de
repondre, il se sauve, mais, comme il est meilleur cavalier que nous,
nous le perdons de vue. Un quart d'heure apres, nous arrivons de
l'autre cote du bois: la, nous apercevons encore notre Cosaque qui, en
nous voyant, part au galop, mais nous n'avions pas envie de le suivre.
Nous cotoyons le bois jusqu'a son extremite, ensuite nous louvoyons
jusqu'au soir, pour retrouver la vraie route, et c'est avec bien de la
peine que nous arrivons ici.
"Maintenant, acheva le sergent, il faut nous reposer un peu, et
partir, car, au jour, on pourrait nous donner le reveil."
Alors chacun de nous s'arrangea pour prendre un peu de repos, pendant
que six hommes de la garnison de Kowno, six soldats du train bien
portants, s'offrirent volontairement pour veiller, chacun a leur tour,
a la porte de la grange.
Il n'y avait pas une heure que nous reposions, lorsque nous entendimes
crier "Qui vive?" Un instant apres, un individu entre et tombe de tout
son long. Aussitot, les hommes qui etaient le moins fatigues se
leverent pour le secourir. C'etait un canonnier a pied de la Garde
imperiale qui s'etait trouve au bivouac ou j'avais manque rester. Il
avait plus de vingt blessures sur le corps, des coups de lance et de
sabre. On demanda du linge pour le panser; je m'empressai de donner
une de mes meilleures chemises provenant du commissaire des guerres.
L'un des deux freres, le sergent, lui fit avaler une goutte de
genievre, le vieux chasseur donna de la charpie qu'il tira du fond de
son bonnet a poil. On finit par l'arranger tant bien que mal; enfin
il se trouv
|