Un peu avant la
sortie du village, nous primes un chemin a gauche, et, apres un quart
d'heure de marche, nous arrivames a l'entree d'un petit bois de
sapins. Pendant que nous le traversions, je pensais a mettre mon
projet a execution. Lorsque nous l'eumes traverse, je regardai devant,
a droite et a gauche, si je ne voyais rien qui put nous nuire.
N'apercevant rien, j'avancai du cote du bourgmestre et, saisissant
d'une main la bride de son cheval, et lui presentant un pistolet de
l'autre, je l'invitai a descendre de cheval. Il fut, comme vous le
pensez, on ne peut plus surpris, et regarda le Cosaque comme pour lui
dire de me passer sa lance au travers du corps. Pendant ce temps, le
domestique, qui avait vu mon mouvement, voulut se jeter sur moi, et,
comme il avait un gros baton, il fit un mouvement pour m'assommer,
mais, sans lacher la bride du cheval, je le frappai d'un si grand coup
de crosse de pistolet dans la poitrine, que je l'envoyai tomber a
quatre pas et le menacai de le tuer, s'il avait le malheur de faire un
mouvement pour se relever. Pendant ce temps, mon frere observait le
bourgmestre, auquel il dit qu'il fallait descendre de cheval, mais il
etait tellement saisi, qu'il se le fit repeter plusieurs fois. Enfin
il descendit, et je donnai sa monture a tenir a mon frere.
"Sans perdre de temps, j'otai au domestique ses bottes, sa capote et
son bonnet. Alors, enlevant ma capote, mon habit et mon bonnet de
police, je le lui mis sur la tete et le forcai a mettre mon habit, de
sorte qu'a son tour il avait l'air d'un prisonnier.
"Imaginez-vous la figure du bourgmestre en voyant son domestique
habille de la sorte! Mais ce n'etait pas tout: je dis a mon frere, qui
etait descendu de cheval, d'observer le domestique, pendant que je
ferais changer de costume a son maitre qui, sur mon invitation, et
sans se faire prier, me donna sa capote, ses bottes et son bonnet. Je
lui donnai, en echange, ma capote et le bonnet de son domestique.
Ensuite je fis mettre a mon frere la capote et les bottes de ce
dernier et, lorsqu'il fut completement habille, a cheval et en
position de garder les deux individus, a mon tour je m'habillai de la
depouille du bourgmestre. J'enfourchai la monture que mon frere tenait
par la bride; ensuite il me donna son sabre, et nous partimes au
galop, laissant nos deux Prussiens saisis et ne sachant probablement
pas si mon frere etait, ou non, un vrai Cosaque. Il faut dire aussi la
verite: nous n'etions p
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