me demandant si je ne ferais
pas bien de m'approcher et de me rendre plutot que de mourir comme un
miserable au milieu du bois, car la vue du feu me tentait, mais
quelque chose que je ne saurais dire me fit faire le contraire. Je me
retirai machinalement. Je les regardai encore: je remarquai qu'il ne
leur manquait rien, car plusieurs pots en terre etaient autour du feu.
Ils avaient de la paille, et les chevaux avaient du foin.
Dans l'impossibilite de suivre, a cause de la quantite d'arbres, la
direction que j'aurais voulu, je fus oblige d'appuyer a gauche:
heureusement pour moi, car, apres avoir fait quelques pas, je trouvai
la foret plus claire, mais la neige y etait en plus grande quantite,
de sorte que, plusieurs fois, je tombai. Une derniere fois je me
releve, je regarde le Ciel, je m'en prends a Dieu, qui veillait sur
moi; au moment ou je me demandais si je ne ferais pas mieux de
retourner au bivac des Cosaques, je me trouvai a l'extremite de la
foret et sur la route. La, je tombe a genoux, et je remercie Celui
contre lequel je venais de m'emporter.
Je marchai droit devant moi: le chemin etait bon, c'etait bien celui
que je devais suivre, mais le vent, que je ne sentais pas dans le
bois, soufflait avec assez de force pour se faire sentir a la partie
de mes jambes qui n'etait pas couverte; mon amazone, qui etait longue,
me garantissait un peu du froid.
Chose singuliere, je n'avais pas faim; je ne sais si les emotions que
j'avais eprouvees, depuis le _hourra_, en etaient la cause, ou si
c'etait l'effet de mon indisposition, car, depuis mon depart de
l'ecurie ou j'avais mange de la soupe et un morceau de viande, je
n'avais pas eprouve le besoin de manger. Cependant, pensant que je
devais encore avoir un morceau de viande dans ma carnassiere, je le
cherchai et fus assez heureux pour le retrouver, et, quoique durci par
la gelee, je le mangeai sans discontinuer de marcher. Apres mon repas,
je levai la tete; j'apercus, sur ma gauche, deux cavaliers paraissant
marcher avec circonspection et, plus loin, sur la route, un individu
qui semblait marcher mieux que moi. Je doublai le pas pour le
rejoindre, mais tout a coup je ne le vis plus.
En regardant sur la droite, j'apercus une petite cabane et, comme il
n'y avait pas de porte fermee, j'entrai. Mais a peine avais-je fait
deux pas dans l'interieur, que j'entendis resonner une arme, et une
grosse voix se fit entendre: "Qui va la?" Je repondis: "Ami!" et
j'ajoutai: "So
|