s'ils voulaient venir avec
moi, mais l'homme repondit, d'une voix tremblante, que non, et, me
montrant le cote de la route, ne me dit qu'un seul mot: "Cosaques!"
C'etait un cantinier et sa femme, d'un regiment de la Confederation du
Rhin, probablement de la garnison de Kowno, qui suivaient le mouvement
de la retraite et qui ayant, comme moi, ete surpris dans le bois par
le _hourra_, s'etaient mis a l'ecart. Sa femme lui conseillait de
venir avec moi, mais l'homme ne voulut pas y consentir, et malgre tout
ce que je pus lui dire, je me vis force, quoiqu'a regret, de m'en
aller seul.
Apres avoir erre a l'aventure pendant une demi-heure, je m'arretai
pour m'orienter, car il commencait deja a faire nuit. Dans la partie
de la foret ou je me trouvais, il y avait de la neige en quantite.
Aucun chemin n'etait battu ni fraye, pas meme trace. Je m'asseyais
quelquefois, pour me reposer, sur des arbres qui, par suite des
grands vents, etaient tombes deracines. Je saisissais les branches des
buissons dans la crainte de tomber, tant j'etais faible. Mes jambes
enfoncaient dans la neige au-dessus de mes bottes, de sorte qu'elle
entrait dedans. Cependant je n'avais pas froid, au contraire des
gouttes de sueur me tombaient du front, mais les jambes me manquaient.
Je sentais une lassitude extraordinaire dans les cuisses, par suite
des efforts que je faisais pour me tirer de la neige, ou parfois
j'enfoncais jusqu'aux genoux. Je n'essaierai pas de depeindre ce que
je souffrais. Il y avait plus d'une heure que je marchais dans les
tenebres, eclaire seulement par les etoiles: ne parvenant pas a sortir
de la foret par la direction qui me semblait la meilleure pour
rejoindre la route et n'en pouvant plus, epuise, essouffle, je prends
le parti de me reposer. Je m'appuie contre un tronc d'arbre ou je
reste immobile. Un instant apres, j'entends les aboiements d'un chien,
je regarde de ce cote: je vois briller une lumiere, je pousse un
soupir d'esperance, et, rassemblant tout ce que j'avais de forces, je
me dirige dans cette nouvelle direction. Mais, arrive a trente pas,
j'apercois quatre chevaux et, autour du feu, quatre Cosaques assis, et
trois paysans, parmi lesquels je reconnais le cantinier et sa femme
que j'avais rencontres, pris probablement par les Cosaques qui avaient
voulu s'emparer de moi; je reconnus facilement celui qui avait un coup
de sabre a la figure, car je n'etais pas a vingt pas d'eux.
Je les regardai pendant assez de temps,
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