l'on y voyait des habitations.
"Etant sur la digue, j'apercus, a une demi-lieue sur la droite, un
groupe de trois a quatre maisons, ou je fus assez bien recu par les
paysans et ou je passai la nuit tranquillement. Le lendemain de grand
matin, je me mis en route, afin de rejoindre la colonne de l'autre
cote de Kowno; mais lorsque je fus a deux cents pas, je me trouvai,
sans y penser, au milieu d'une douzaine de Cosaques qui, sans me faire
du mal et sans meme penser a me desarmer, me firent marcher devant
eux, et precisement dans la direction ou je voulais aller. J'etais
prisonnier, et ne pouvais le croire.
"Apres une heure de marche, nous arrivames dans un village. La, l'on
me debarrassa de mes armes et de mon argent, et je fus assez heureux
pour sauver quelques pieces d'or cachees dans la doublure de mon
gilet. Je me debarrassai de mon schako, pour me couvrir la tete d'un
bonnet de peau de mouton noir que voila. Je remarquai que les Cosaques
etaient charges d'or et d'argent et qu'ils ne faisaient pas beaucoup
attention a moi; aussi je me promis bien de profiter de la premiere
occasion pour m'echapper.
"Il pouvait etre dix heures quand nous partimes du village. Nous
rencontrames un autre detachement de Cosaques, escortant des
prisonniers, dont quelques-uns etaient de la Garde imperiale, qui
avaient ete pris en sortant de Kowno. Je fus joint a ces derniers.
"Nous marchames en nous arretant souvent, jusqu'a environ trois
heures. Je remarquai que le conducteur etait embarrasse, ne
connaissant pas le pays. Avant qu'il fut nuit, nous arrivames dans un
petit village, ou l'on nous fit entrer dans une grange et ou nous
passames tous a une visite tres minutieuse. Je tremblais pour mon or,
j'en fus quitte pour la peur.
"A peine avait-on fini de nous fouiller, que j'entendis crier mon nom
par un prisonnier que je ne connaissais pas; je repondis: "Present!"
Un autre prisonnier, a l'extremite, repondit la meme chose. Alors,
m'avancant dans la direction dont la voix etait partie, je demandai
qui s'appelait Dassonville: "Moi!" me repondit mon frere que vous
voyez la. Jugez de notre surprise en nous reconnaissant! Nous nous
embrassames en pleurant. Il me dit qu'il avait ete blesse le 28
novembre, par ici du pont de la Berezina, d'un coup de balle dans le
mollet de la jambe gauche. Je lui dis que mon dessein etait que nous
nous sauvions avant que l'on nous fit repasser le Niemen: puisque nous
etions dans la Pomeranie, pays app
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