cer pres de moi.
Lorsqu'ils eurent mange un morceau de pain et bu de l'eau-de-vie dont
ils paraissaient avoir leur provision, et en eurent fait boire un
coup au vieux chasseur et a moi, celui qui avait conduit son camarade
pres de moi, dit: "Hier au soir, j'ai sauve mon frere des mains des
Cosaques ou il etait prisonnier et blesse. Il faut que je vous conte
cela, cela tient du merveilleux.
"La veille d'arriver a Kowno, mourant de faim et de froid, epuise de
fatigue, je m'ecartais de la route avec deux officiers du 71e de ligne
armes, comme moi, d'un fusil, afin de pouvoir passer la nuit dans un
village. Mais, apres avoir fait environ une demi-lieue, ne pouvant
aller plus loin sans nous exposer a perir de froid dans la neige, nous
nous decidames a passer la nuit dans une mauvaise maison abandonnee
ou, fort heureusement, nous trouvames du bois et de la paille, et,
comme j'avais encore de la farine de Wilna, nous fimes un bon feu et
de la bouillie.
"Le lendemain, de grand matin, nous nous disposames a partir pour
rejoindre la route, mais au moment ou nous allions sortir de la
maison, nous la vimes cernee par les Cosaques, au nombre de 15; cela
ne nous empecha pas de sortir. Nous arretames devant la ports afin de
les observer; ils nous firent signe d'aller a eux; nous fimes le
contraire, nous rentrames dans la maison, nous fermames la porte, nous
ouvrimes deux petites fenetres et commencames un feu qui fit fuir les
Cosaques. A une bonne portee de fusil, ils s'arretent, mais nos armes
etaient rechargees: nous sortimes de la maison, et, sans perdre de
temps, leur envoyames une seconde bordee qui fit tomber un cheval avec
son cavalier. Ce dernier se debarrassa et abandonna sa monture. Nous
nous mimes a marcher au plus vite, mais nous n'avions pas fait
cinquante pas que nous les vimes marcher de notre cote.
"Un instant apres, ils appuyerent a droite, mais c'etait pour enlever
le portemanteau reste sur le cheval que nous avions descendu. Bientot
nous les perdimes de vue, et nous arrivames sur la route qui
conduisait a Kowno, ou nous devions arriver le meme jour. Nous nous
trouvames au milieu de plus de six mille traineurs, et, dans cette
cohue, je fus, comme il arrivait toujours, separe de mes camarades. Je
marchai ainsi toute la journee, et il ne faisait pas encore nuit, que
je me trouvais a une lieue de Kowno, pres du Niemen. Je me decidai a
traverser le fleuve sur la glace, afin de trouver un gite comme la
veille, car
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