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ans la crainte qu'il ne devint plus violent, je dis a Faloppa qu'il nous fallait partir, mais le pauvre diable, qui s'etait couche sur le fumier, ne pouvait plus se relever. Ce n'est qu'en priant et en jurant que je parvins, avec le secours du grenadier a cheval, a le remettre sur ses jambes et a le pousser hors de l'ecurie; lorsqu'il fut sur la route, je lui donnai le bras. Quand il fut un peu rechauffe, il marcha encore assez bien, mais sans parler, pendant l'espace d'une petite lieue. Pendant le temps que nous etions arretes au village, la grande partie des traineurs de l'armee--ceux qui marchaient en masse--nous avait depasses; l'on ne voyait plus en avant, comme en arriere, que des malheureux comme nous, enfin ceux dont les forces etaient aneanties. Plusieurs etendus sur la neige, signe de leur fin prochaine. Faloppa, que j'avais toujours amuse, jusque-la, en lui disant: "Nous y voila! Encore un peu de courage!" s'affaissa sur les genoux, ensuite sur les mains; je le crus mort et je tombai a ses cotes, accable de fatigue. Le froid qui commencait a me saisir me fit faire un effort pour me relever, ou, pour dire la verite, ce fut plutot un acces de rage, car c'est en jurant que je me mis sur les genoux. Ensuite, saisissant Faloppa par les cheveux, je le fis asseoir. Alors il sembla me regarder comme un hebete. Voyant qu'il n'etait pas mort, je lui dis: "Du courage, mon ami! Nous ne sommes plus loin de Kowno, car j'apercois le couvent qui est sur notre gauche; ne le vois-tu pas comme moi[67]?--Non, mon sergent, me repondit-il; je ne vois que de la neige qui tourne autour de moi; ou sommes-nous?" Je lui dis que nous etions pres de l'endroit ou nous devions coucher et trouver du pain et de l'eau-de-vie. [Note 67: C'etait le couvent que j'avais visite le 20 juin, lors de notre passage du Niemen. (_Note de l'auteur_.)] Dans ce moment, le hasard amena pres de nous cinq paysans qui traversaient la route sur laquelle nous etions. Je proposai a deux de ces hommes, moyennant chacun une piece de cinq francs, de conduire Faloppa jusqu'a Kowno; mais, sous pretexte qu'il etait tard et qu'ils avaient froid, ils firent quelques difficultes. Comprenant aussitot que c'etait plutot la crainte de ne pas etre payes, car ils parlaient la langue allemande et je devinais, par quelques mots, de quoi il etait question, je pris deux pieces de cinq francs dans ma carnassiere, et j'en donnai une, en promettant l'autre en arrivant. Ils f
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