ngue: il n'est pas ecoute, seulement
l'adjudant-major pense que c'est parce qu'il ne lui a pas donne le
temps de prendre son sac et son fusil; il rentre dans la maison, prend
l'un et l'autre et les lui apporte. Il a vu un homme mort et deux
femmes qui pleurent. C'est pourquoi, en sortant, il dit bien haut: "Ce
bougre-la n'est pas si bete qu'il en a l'air! Il voulait rester dans
la maison pour consoler la veuve! Il parait que celui-ci est un
Allemand aussi; de quelle compagnie est-il? Je ne me rappelle pas
l'avoir jamais vu!" Dans ce moment, on ne faisait pas beaucoup
attention a ce que disait l'adjudant-major, car on avait assez a faire
a s'occuper de soi-meme.
La femme qui avait entendu la voix de son mari, etait accourue sur la
porte au moment ou nous etions encore arretes. L'homme, en la voyant,
se mit a crier apres, mais sans pouvoir se faire reconnaitre au milieu
de nous, ou il ne pouvait bouger: elle etait bien loin de penser que
le Lithuanien, sujet de l'Empereur de Russie, avait l'honneur d'etre
soldat francais de la Garde imperiale, marchant, en ce moment, non pas
a la gloire, mais a la misere, en attendant mieux, tout cela en moins
de dix minutes. J'ai pense, depuis, que ce pauvre diable devait faire
de tristes reflexions en marchant au milieu de nous!
L'on s'etait remis en marche, mais lentement. Nous etions dans un
endroit de la ruelle ou se trouvaient plusieurs hommes morts pendant
la nuit, pour avoir bu de l'eau-de-vie et avoir ete saisis par le
froid; mais le plus grand nombre se trouvait dans la ville, ou je ne
suis pas entre.
Cependant, nous arrivons a l'endroit ou se trouvent les deux issues
qui conduisent au pont du Niemen; nous marchons avec plus de facilite;
au bout de quelques minutes, nous etions sur le bord du fleuve. La,
nous vimes que, deja, plusieurs milliers d'hommes nous avaient
devances, qui se pressaient et se poussaient pour le traverser. Comme
le pont etait etroit, une grande partie descendaient sur le fleuve
couvert de glace, et cependant dans un etat a ne pouvoir y marcher que
tres difficilement, vu que ce n'etait que des glacons qui, apres un
degel, avaient ete de nouveau surpris par une gelee. Au risque de se
tuer ou de se blesser, c'etait a qui serait arrive le plus vite sur
l'autre rive, quoique d'un abord difficile; tant il vrai que l'on se
croyait sauve en arrivant! On verra, par la suite, combien nous nous
trompions encore.
En attendant que nous puissions passer, le col
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