ge entre deux chasseurs du regiment, ou plutot deux voleurs,
qui m'ont chipe la moitie de mon argent. Par bonheur, j'etais couchee
sur une poche qu'ils n'ont pu vider. Apres cela, fiez-vous donc a des
camarades! Heureusement que j'en ai encore assez pour aller jusqu'a
Elbing, ou l'on dit que nous nous ressemblons. Une fois la, nous nous
arrangerons de maniere a pouvoir recommencer la campagne; je ne veux
plus de voitures, j'aurai deux _cognias_ avec des paniers sur le dos.
Nous serons peut-etre plus heureux. Pas vrai, Marie?" Marie ne
repondit pas: "Marie, dit le vieux chasseur, c'est son deuxieme depuis
un an, et, si elle veut, je l'epouse en troisieme....--Toi! vieux
chenapan, repond la mere Gateau, elle n'aurait pas besoin d'autres
pratiques que la tienne!"
Le chasseur s'approcha de Marie et lui presenta un morceau de viande
de cheval; Marie l'accepta en lui disant: "Merci, mon vieux!--Ainsi
c'est dit, continua-t-il, en arrivant a Paris, je vous epouse, je fais
votre bonheur!" Marie, pour toute reponse, fit un soupir en disant:
"Peut-on plaisanter une malheureuse femme comme moi!--Tout ce que je
viens de dire, reprit le vieux chasseur, n'est que pour plaisanter, et
la preuve, sans rancune, c'est que j'offre a la mere Gateau ce que je
viens de vous offrir, Marie, un petit morceau de dada sur le pouce!"
En meme temps, il s'avanca pour le lui offrir, mais la mere Gateau, en
le voyant venir, lui dit en le regardant avec colere: "Va-t'en au
diable! Je ne veux rien de toi!"
A cette sortie de la mere Gateau, Marie, qui etait assise devant moi,
leva la tete en disant que ce n'etait pas le moment de se facher.
Ensuite elle me regarda des pieds a la tete: "Je crois ne pas me
tromper, dit-elle en m'appelant par mon nom, c'est bien vous, mon
pays?--Oui, Marie, c'est bien moi!" Je venais, a mon tour, de la
reconnaitre, non pas a sa figure, mais a sa voix, car, la pauvre
Marie, sa fraicheur avait disparu, le froid, la misere, le feu, la
fumee du bivouac l'avaient rendue meconnaissable. C'etait Marie, notre
ancienne cantiniere, dont j'avais rencontre la voiture abandonnee,
avec deux blesses, dans la nuit du 22 novembre, et que je croyais
morte! Voici son histoire:
Marie etait de Namur; c'est pour cela qu'elle m'appelait son _pays_.
Son mari etait de Liege, un peu mauvais sujet et maitre d'armes. Marie
etait la meilleure pate de femme, n'ayant rien a elle, debitant sa
marchandise aux soldats et a ceux qui n'avaient pas d'argen
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