t, comme a
ceux qui en avaient.
Dans toutes les batailles que nous eumes, elle fit preuve de devoument
en s'exposant pour secourir les blesses. Un jour, elle fut blessee;
cela ne l'empecha pas de continuer a donner ses soins, sans s'effrayer
sur le danger qu'elle courait, car les boulets et la mitraille
tombaient autour d'elle. Avec toutes ces belles qualites, Marie etait
jolie: aussi avait-elle beaucoup d'amis; son mari n'en etait pas
jaloux.
En 1811, etant campes devant Almeida (Portugal), quelques mois avant
notre depart pour la campagne de Russie, il prit envie au pauvre homme
d'aller marauder dans un village. Il entra dans un chateau, s'empara
d'une pendule qui ne valait pas vingt francs, eut le malheur de la
rapporter au camp et de se faire prendre, et, comme il y avait des
ordres severes pour les maraudeurs, M. le general Roguet, qui nous
commandait, le fit passer a un conseil de Guerre. Il fut condamne a
etre fusille dans les vingt-quatre heures. Par suite de cette
catastrophe, Marie devint veuve: dans un regiment, et surtout en
campagne, lorsqu'une femme est jolie, elle n'est pas longtemps sans
mari. Aussi, au bout de deux mois de veuvage, Marie etait consolee et
remariee--comme on se marie a l'armee.
Quelques mois apres, son nouveau mari passa sous-officier dans un
regiment de la Jeune Garde; alors elle nous quitta pour suivre son
nouvel epoux: elle etait avec nous depuis quatre ans.
En Russie, elle eut le sort de toutes les cantinieres de l'armee: elle
perdit chevaux, voitures, lingots, fourrures et son protecteur. Tant
qu'a elle, elle eut le bonheur de revenir. Quatre mois et demi plus
tard, le 2 mai 1813, a la bataille de Lutzen, le hasard me la fit
rencontrer; elle venait d'etre blessee a la main droite, en donnant a
boire a un blesse.
J'ai appris, depuis, qu'elle etait rentree en France et qu'elle avait
reparu aux Cent-Jours. A la bataille de Waterloo, elle fut faite
prisonniere, mais, comme elle etait sujette belge, elle rentra en
toute propriete au roi de Hollande[68].
[Note 68: J'ai appris que Marie existait encore et qu'elle etait
membre de la Legion d'honneur et decoree de la medaille de
Sainte-Helene. Elle habite Namur. (_Note de l'auteur_.)]
Je demandai a Marie ou etait son mari: "Vous savez bien, me
repondit-elle, qu'il a ete tue a Krasnoe (chose que j'avais ignoree
jusqu'a present); c'etait un bon enfant, celui-la, je le regrette
beaucoup!" Ensuite elle fronca les sourcils, baiss
|