ote. Il pouvait y avoir environ vingt-cinq a trente francs en
pieces de Prusse, et autres monnaies. Je donnai le tout aux deux
femmes, en leur disant d'avoir soin du malade jusqu'a son dernier
moment, qui ne devait pas tarder, car a peine respirait-il encore.
Elles me promirent de ne pas l'abandonner.
Le bruit qui se faisait entendre dans la rue allait toujours
croissant. Il faisait deja jour et, malgre cela, nous ne pouvions voir
beaucoup, car les petits carreaux des vitres etaient ternis par la
gelee et le ciel, couvert d'epais nuages, nous presageait encore
beaucoup de neige.
Nous nous disposions a sortir, quand, tout a coup, le bruit du canon
se fait entendre du cote de la route de Wilna, et tres rapproche de
l'endroit ou nous etions. A cela se melait la fusillade et les cris et
jurements des hommes. Nous entendons que l'on frappe sur des
individus: aussitot, nous pensons que les Russes sont dans la ville et
que l'on se bat; nous saisissons nos armes; les deux soldats
allemands, qui ne sont pas, comme nous, habitues a cette musique, ne
savent ce qu'ils font; cependant ils viennent se ranger a nos cotes.
Nous avions encore les fusils de deux hommes qui nous avaient quittes
le soir, et qui n'etaient pas revenus; ensuite celui de Faloppa.
Toutes ces armes etaient chargees. La poudre ne nous manquait pas. Un
des soldats allemands avait une bouteille d'eau-de-vie dont il ne nous
avait pas encore parle, mais, comptant qu'il aurait peut-etre besoin
de nous, il nous la presenta. Cela nous fit du bien. L'autre me donna
un morceau de pain.
Un soldat du train me dit: "Mon sergent, si nous mettions un de ces
fusils entre les mains du paysan qui est la qui tremble pres du poele?
Pensez-vous qu'il ne pourrait pas faire son homme?--C'est vrai, lui
dis-je.--En avant, le paysan!" repond le soldat. Le pauvre diable, ne
sachant ce qu'on lui veut, se laisse conduire. On lui presente un
fusil: il le regarde comme un imbecile, sans le prendre; on le lui
pose sur l'epaule: il demande pourquoi faire. Je lui dis que c'est
pour tuer les Cosaques. A ce mot, il laisse tomber son arme. Un soldat
la ramasse et, cette fois, la lui fait tenir de force en le menacant,
s'il ne tire pas sur les Cosaques, de lui passer sa baionnette au
travers du corps. Le paysan nous fait comprendre qu'il serait reconnu
par les Russes pour etre un paysan, et qu'ils le tueraient. Pendant ce
colloque, d'autres cris se font entendre a l'autre extremite de la
cham
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