us a rester, mais il
me fut impossible de marcher seul; Grangier et Leboude me soutinrent
sous les bras; l'on en fit autant a Rossi. Au bout d'une demi-heure de
marche, j'etais beaucoup mieux, mais il fallut, pendant toute la
route, le secours d'un bras, et souvent de deux. De cette maniere,
nous arrivames de bonne heure au petit village ou nous devions
coucher; il s'y trouvait fort peu d'habitations, et, quoique nous
fussions arrives des premiers, nous fumes obliges de coucher dans une
cour. Le hasard nous procura beaucoup de paille; nous nous en servions
pour nous couvrir, mais comme le malheur nous poursuivait toujours, le
feu prit a la paille. Chacun se sauva comme il put; plusieurs eurent
leur capote brulee. Un fourrier de Velites nomme de Couchere fut plus
malheureux que les autres; le feu prit a sa giberne, dans laquelle il
y avait des cartouches; il eut toute la figure brulee, et, tant qu'a
moi, sans le secours des camarades, j'aurais peut-etre roti, vu
l'impossibilite de me mouvoir, si l'on ne m'avait pris par les epaules
et par les jambes, et traine contre la baraque ou etait loge le
general Roguet avec d'autres officiers superieurs qui se sauverent en
voyant les flammes, pensant que c'etait l'habitation qui brulait.
Apres cette mesaventure, un vent du nord arriva qui souffla avec force
et, comme nous etions sans abri, nous entrames dans la maison du
general, composee de deux chambres. Nous en primes une malgre lui;
nous nous entassames les uns a cote des autres; plus de la moitie fut
obligee de rester debout toute la nuit, mais c'etait toujours mieux
que de rester exposes a un mauvais temps qui eut infailliblement fait
perir les trois quarts de nous (13 decembre). La journee de marche que
nous devions faire pour arriver a Kowno etait au moins de dix lieues;
aussi le general Roguet nous fit partir avant le jour.
Il etait tombe des grains de pluie grelee qui formaient, sur la
route, une glace a nous empecher de marcher. Si je n'avais pas eu,
comme la veille, le secours de mes amis, j'aurais probablement, comme
beaucoup d'autres, termine mon grand voyage le dernier jour ou nous
sortions de la Russie.
A peine le jour commencait-il a paraitre, que nous arrivames au pied
d'une montagne qui n'etait qu'une glace: que de peine nous eumes pour
la franchir! Il fallut se mettre par groupes serres fortement les uns
contre les autres, afin de se soutenir mutuellement. J'ai pu remarquer
que, dans cette marche, l'on et
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