ous pumes, avec ces petits detachements; nous
faisions tout ce que nous pouvions pour les suivre, mais le canon et
la fusillade venant de nouveau a se faire entendre, ils s'arreterent
au commandement d'un personnage dont on n'aurait jamais pu dire, aux
guenilles qui le couvraient, ce qu'il pouvait etre; je n'oublierai
jamais le ton de son commandement: "Allons, enfants de la France,
encore une fois halte! Il ne faut pas qu'il soit dit que nous ayons
double le pas au bruit du canon! Face en arriere!" Et, aussitot, ils
se mirent en ordre sans parler et se tournerent du cote d'ou venait le
bruit. Tant qu'a nous, qui n'avions pas de drapeau a defendre,
puisqu'il etait a plus d'une lieue devant, nous continuames a nous
trainer. Nous fumes bien heureux, ce jour-la, que le froid n'etait pas
rigoureux, car plus de dix fois nous tombames sur la neige, de
lassitude, et certainement, s'il avait gele comme le jour precedent,
nous y serions restes.
Apres avoir marche, pendant un certain temps, au milieu d'hommes
isoles comme nous, nous apercumes, devant nous, une ligne mouvante;
nous reconnumes que c'etait une colonne paraissant fort serree, qui,
par moments, marchait, ensuite s'arretait pour se mouvoir encore. Nous
pumes reconnaitre qu'en cet endroit se trouvait un defile. La route se
trouve resserree, a droite, sur une longueur de 5 a 600 metres, par un
monticule dans lequel elle a ete coupee, et, a gauche, par un fleuve
tres large que je pense etre le Niemen. La, les hommes, forces de se
reunir en attendant que quelques caissons qui venaient de Wilna aient
pu passer, se pressaient, se poussaient en desordre: c'etait a qui
passerait le premier. Beaucoup descendaient sur le fleuve couvert de
glace pour gagner la droite de la colonne ou la fin du defile.
Plusieurs, qui se trouvaient tout a fait sur le bord, furent jetes en
bas de la digue qui etait perpendiculaire et qui, en cet endroit,
avait au moins cinq pieds de haut; quelques-uns furent tues.
Lorsque nous fumes arrives a la gauche de cette colonne, il fallut
faire comme ceux qui nous precedaient, il fallut attendre. Je
rencontrai un sergent des Velites de notre regiment, nomme Poumo, qui
me proposa de traverser le fleuve avec lui, en me disant que, de
l'autre cote, nous trouverions des habitations ou nous pourrions
passer la nuit, et qu'ensuite, le lendemain au matin, etant bien
reposes, nous pourrions facilement gagner Kowno, car il n'y avait
plus, disait-il, que deux lieu
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