s brillant; ils n'avaient pas non plus d'abri pour
se garantir du vent et de la neige, s'il venait a en tomber.
Je restai longtemps debout derriere, portant quelquefois le corps en
avant, ainsi que les mains, pour sentir un peu de chaleur. A la fin,
accable de sommeil, je pensai a ma bouteille d'eau-de-vie. Je
l'offris, on l'accepta, et j'eus une place. Nous vidames la bouteille
a la ronde, et, lorsque nous eumes fini, je m'endormis assis sur mon
sac, la tete dans mes deux mains. Je dormis peut-etre deux heures,
souvent interrompu par le froid et par les douleurs. Lorsque je
m'eveillai, je profitai du peu de feu qu'il y avait encore, pour faire
cuire un peu de riz dans la bouilloire que le juif m'avait vendue. Je
commencai par prendre de la neige autour de moi, je la fis fondre et
j'y mis du riz qui finit par cuire a demi. Comme je ne pouvais pas
bien le prendre avec la cuiller, et qu'un chasseur, a ma droite,
mangeait avec moi, je le renversai sur le cul de mon schako qui etait
creux: c'est de cette maniere que nous le mangeames. Ensuite,
reprenant ma position premiere, et comme le froid, cette nuit-la,
n'etait pas tres rigoureux, je me rendormis.
_11 decembre_.--Lorsque je me reveillai, il n'etait pas pres encore
d'etre jour. Apres avoir arrange mon pied, je me levai pour me
remettre en marche, car il fallait bien, si je ne voulais pas
m'exposer a mourir de misere comme tant d'autres, rejoindre mes
camarades. Je marchai seul jusqu'au jour, m'arretant quelquefois a un
feu abandonne, ou je trouvais des hommes morts ou mourants. Lorsqu'il
fit jour, je rencontrai quelques soldats du regiment, qui me dirent
qu'ils avaient couche avec l'Etat-major.
Un peu plus avant, j'apercus un individu ayant sur les epaules une
peau de mouton et marchant peniblement, appuye sur son fusil. Lorsque
je fus pres de lui, je le reconnus pour le fourrier de notre
compagnie. En me voyant, il jeta un cri de surprise et de joie, car on
lui avait assure que j'etais reste prisonnier a Wilna. Le pauvre
Rossi, c'etait son nom, avait les deux pieds geles et enveloppes dans
des morceaux de peau de mouton. Il me conta qu'il s'etait separe des
debris du regiment, ne pouvant marcher aussi vite que les autres, et
que nos amis etaient fort inquiets sur mon compte. Deux grosses larmes
coulaient le long de ses joues, et comme je lui en demandais la cause,
il se mit a pleurer en s'ecriant: "Pauvre mere, si tu pouvais
savoir comme je suis! C'est fini, je n
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