ur le voir a temps et se mettre en
defense, mais non aussi avantageusement qu'il l'aurait voulu, car
Mouton, qui aboyait comme un bon chien apres le cavalier, le genait
dans ses mouvements. S'il n'avait pas ete attache aux courroies de son
sac, il aurait pu s'en decharger par ce que nous appelions _un coup
sac_, mais, pour le faire, il aurait fallu qu'il se debarrassat de son
sac auquel il etait attache, et le cavalier, qui tournait autour de
lui, ne lui en laissait pas la facilite. Pendant ce temps, quoique
mourant de froid, je m'etais rajuste un peu et j'avais arrange ma main
droite de maniere a pouvoir m'en servir pour faire usage de mon arme
le mieux possible, n'ayant pour ainsi dire plus la force de me
soutenir.
Le cavalier tournait toujours autour de Daubenton, mais a une certaine
distance, craignant le coup de fusil. Voyant que pas un de nous n'en
faisait usage, il pensa peut-etre que nous etions sans poudre, car il
avanca sur Daubenton et lui allongea un coup de sabre que celui-ci
para avec le canon de son fusil. Aussitot, il passa sur la droite et
lui en porta un second coup sur l'epaule gauche, qui atteignit Mouton
a la tete. Le pauvre chien changea de ton; il n'aboyait plus, il
hurlait d'une maniere a fendre le coeur. Quoique blesse et ayant les
pattes gelees, il sauta en bas du dos de son maitre pour courir apres
le cavalier, mais comme il etait attache a la courroie du sac, il fit
tomber son porteur sur le cote. Je crus Daubenton perdu.
Je me trainai sur mes genoux, environ deux pas en avant, et j'ajustai
mon cavalier; mais l'amorce de mon fusil ne brula pas; alors le
cavalier, jetant un cri sauvage, s'elance sur moi,... mais j'avais eu
le temps de rentrer sous le caisson, qui etait renverse sur le cote
gauche, en lui presentant la baionnette.
Voyant qu'il ne pouvait rien contre moi, il retourna sur Daubenton qui
n'avait pu encore se relever a cause de Mouton qui le tirait de cote
en hurlant et aboyant apres le cavalier. Daubenton s'etait traine
contre les brancards du caisson, de sorte que son adversaire ne
pouvait plus, avec son cheval, l'approcher autant. Il s'etait place en
face, le sabre leve, comme pour le fendre en deux, et ayant l'air de
se moquer de lui.
Daubenton, quoiqu'a demi mort de froid et de misere, et malgre sa
figure maigre, pale et noircie par le feu des bivouacs, paraissait
encore plein d'energie, mais d'un aspect etrange et en meme temps
comique, a cause du diable de chien qui
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